Magnifique oeuvre testamentaire à sa sortie, Gran Torino marque une étape importante dans la carrière de Clint Eastwood, répondant notamment à ceux qui veulent l’enterrer que seul lui peut avoir ce privilège, et cela prend un écho encore plus fort aujourd'hui.


Ce qui devait être un dernier retour devant la caméra lui a permis d'en finir avec ce personnage type, réac et fier d'être américain, qui peut être vu comme un prolongement de certains qui ont fait sa popularité, en particulier Dirty Harry qu'il a incarné cinq fois. Il se sert d'un postulat extrême et semblant caricatural (qui ne l'est peut être pas du côté américain d'ailleurs) avec ce vétéran de Guerre raciste pour prôner l'humanisme, une idée de la fraternité et du changement au contact de certaines personnes.


Clint nous montre bien que rien ne va dans sa vie, que ce soit ses préjugés, son passé qui le hante, sa famille où les contacts sont morts ou sous tension (et on le comprend !). Puis, peu à peu, il le fait évoluer, il prend de l'épaisseur et devient attachant, comme sa rencontre avec ses voisins et les liens qui vont se créer. Il tape fort, ne fait aucune concession et assume le personnage qui lui colle à la peau depuis que Don Siegel a fait de lui l'Inspecteur Harry.


C'est là aussi l'une des réussites du film, car il serait dommage de voir Gran Torino sans avoir connaissance d'une partie de la riche carrière d'Eastwood, notamment en tant qu'acteur dans les années 1960 et 1970 (comme durant les remarquables années Siegel). L'oeuvre prend une dimension particulière lorsqu'on y voit non pas Walt Kowalski, mais Callahan, Walt Coogan ou d'autres personnages incarnés par Clint dont l'évolution pourrait faire penser à celui-ci. Il joue sur cela et le fait à la perfection, dosant ce qu'il faut d'humanisme, d'humour ou de mélancolie, sans forcément être tourné vers le passé, bien au contraire même.


Il ne surprend pas vraiment dans sa mise en scène, ce n'est pas son but et celle-ci est toujours reconnaissable, avec un vrai sens du classicisme que l'on n'aurait pas renié durant l'âge d'or d'Hollywood, sans pour autant tomber dans l'académisme. Il se montre autant adroit pour mettre en scène le quotidien, notamment lorsqu'il découvre vraiment ses voisins, que l'action, avec de très grands moments d'intensité, comme en témoigne le final. Les rares reproches sont négligeables, Eastwood parvenant même à les transformer en qualité sur la durée du film. Enfin, et comme souvent, il se montre à l'aise dans la gestion du rythme, l'incursion de la musique ou la direction d'acteurs.


Prolongement et évolution des années Don Siegel, Gran Torino permet à Clint Eastwood de dire adieu à ce personnage qui lui a tant collé à la peau, et il propose une oeuvre forte, sous tension et humaniste, se montrant à son aise autant derrière la caméra que devant, avec ce qu'il faut de profondeur, de mélancolie et de moments marquants.

Créée

le 24 juil. 2020

Critique lue 688 fois

36 j'aime

7 commentaires

Docteur_Jivago

Écrit par

Critique lue 688 fois

36
7

D'autres avis sur Gran Torino

Gran Torino
SBoisse
10

Ma vie avec Clint

Clint est octogénaire. Je suis Clint depuis 1976. Ne souriez pas, notre langue, dont les puristes vantent l’inestimable précision, peut prêter à confusion. Je ne prétends pas être Clint, mais...

le 14 oct. 2016

125 j'aime

31

Gran Torino
-Marc-
9

Rédemption

Walt Kowalsky est un retraité bougon des usines Ford, profondément marqué par les horreurs qu'il a vues et commises lors de la guerre de Corée. Après avoir enterré la femme de sa vie, il se replie...

le 30 nov. 2015

98 j'aime

22

Gran Torino
2goldfish
3

Comme Karaté Kid, mais à l'envers

Un jeune Hmong persécuté par un gang violent va apprendre auprès d'un vieil américain raciste à se comporter comme un vieil américain raciste. Ça l'aide à faire violer sa soeur. Le vieil américain...

le 29 sept. 2010

81 j'aime

31

Du même critique

Gone Girl
Docteur_Jivago
8

American Beauty

D'apparence parfaite, le couple Amy et Nick s'apprête à fêter leurs cinq ans de mariage lorsque Amy disparaît brutalement et mystérieusement et si l'enquête semble accuser Nick, il va tout faire pour...

le 10 oct. 2014

170 j'aime

32

2001 : L'Odyssée de l'espace
Docteur_Jivago
5

Il était une fois l’espace

Tout juste auréolé du succès de Docteur Folamour, Stanley Kubrick se lance dans un projet de science-fiction assez démesuré et très ambitieux, où il fait appel à Arthur C. Clarke qui a écrit la...

le 25 oct. 2014

156 j'aime

43

American Sniper
Docteur_Jivago
8

La mort dans la peau

En mettant en scène la vie de Chris The Legend Kyle, héros en son pays, Clint Eastwood surprend et dresse, par le prisme de celui-ci, le portrait d'un pays entaché par une Guerre...

le 19 févr. 2015

151 j'aime

34