Ce qui frappe d'emblée avec ce film, c'est l'impression de réalité qui en ressort. Ce futur immédiat est aussi palpable que la moustache de Phoenix, juste là, sur l'autre bord d'une faille de quelques années seulement. La caméra à l'épaule et les travellings d'une grande douceur donnent une impression d'intimité parfaitement en osmose avec le thème du film. On en oublie à quel point l'OS sexy n'est, au fond, qu'une figure de fable, ou de très lointaine science-fiction.
Ce monde de solitudes superposées qui n'aboutissent qu'à de rares rencontres est déjà là, et donc totalement crédible. A travers son personnage hypersensible, voire émotionnellement handicapé, sans doute fruit de plusieurs décennies de féminisme acharné, Phoenix livre une (énième) très bonne interprétation dans laquelle beaucoup d'occidentaux pourront se reconnaitre, livrés en pâture qu'ils sont à des moyens de communication de plus en plus invasifs qui ne font paradoxalement que nourrir leur égotisme forcené.
Étape finale de cette obsession de soi qui échoue à nous protéger de la souffrance, cette incroyable séquence de masturbation hallucinée, aussi poétique que grotesque, qui caricature l'addiction aux smartphones qui a déjà contaminé toute ma génération et plus encore la suivante. Car lorsqu'un homme préfère lâcher la sauce sur son OS plutôt que sur une superbe jeune femme (Olivia Wilde !) qui s'offre à lui, on sait qu'il est perdu. Irrémédiablement perdu.
Cependant, pour la défense de ce rêveur onaniste, Scarlett Johansson réalise une performance vocale peu courante, incroyablement sexy et pleine de vie. Le manque d'émotions qui ressort du couple formé par ces deux acteurs est d'autant plus incompréhensible. C'est juste peut-être que, au-delà de la partie anticipation très réussie, le côté romance est plus prévisible, plus attendu. Et surtout qu'il tire un peu trop en longueur.
La conclusion, qui en a déçu plus d'un, m'a personnellement fait rêver car elle rejoint bien le mysticisme des plus grandes œuvres de science-fiction. Et si le film dans sa globalité n'est pas un choc permanent, on ne peut négliger la facilité avec laquelle il peint un tableau nuancé de l’hyper-connectivité: isolation des individualités, mais aussi révélation de la beauté à travers le manque qu'elle génère.