Risque de spoils


Si pour Johnny il suffisait d'une étincelle, pour nous effrayer devant ce film il suffit d'un claquement de langue.



The Healing of a Sacred Demon




  • La bande-annonce d'Hérédité a été diffusée par erreur avant une projection du film familial Pierre Lapin en Australie, causant l'effroi chez les enfants et la panique chez les parents.
    Je viens de découvrir cette anecdote, je préfère en rire... C'est cruel.


A l'heure où les films dit "d'horreur" ou "d'épouvante" se ressemblent quasiment tous, au point d'en faire oublier l’intérêt principal, celui de faire peur, quelques soldats de l'ombre se réunissent en secret pour éradiquer la race noi... Euh merde non, nan parce que j'ai vu BlacKkKlansman aussi le même jour donc tu vois.
Si les noms ne me viennent pas comme ça d'un coup, c'est bien la preuve que les marquants ne sont pas nombreux, il me vient pourtant Fede Álvarez qui à mes yeux est un plus que bon exemple, mais évidemment et surtout David Robert Mitchell. En effet, comment ne pas penser au glaçant et bien flippant It Follows ?
Ainsi, si je voulais classer bêtement Ari Aster, réalisateur d'une poignée de courts métrages qui ici livre son premier long, je le placerais facilement entre un Mitchell et un Yórgos Lánthimos. Je m'expliquerais au fil de la critique.


Hereditary s'avérait être une curiosité dès son trailer, à n'y rien comprendre, tordu et flippant comme on pouvait l'imaginer avec l'esprit d'un vengeur du genre "épouvante". Enfin un film qui sort du lot ? Qui n'est pas que poudre aux yeux ?
La réponse est progressive tant ce film s'abat en crescendo sur nous, pauvres spectateurs, rivés sur l'écran. Bon après je parle pour moi, les pisses froids qui boivent du lait en tapant sur leur tél pendant le visionnage... Bah phoque you !
Le film est effrayant dans sa minutie, sa froideur et son cadre sûr de lui. Ainsi après plusieurs minutes à me demander où est l'horreur, du moins, à quel moment va-t-il se pointer, je reçois ce plan où la mère de famille aperçoit dans le fond d'une pièce à la lumière éteinte sa propre mère défunte, droit comme un i.
A ce moment précis, j'ai zyeuté la porte de ma chambre entre-ouverte, menant sur le couloir sombre aux autres portes ouvertes, et je me suis dit à haute voix, un truc du genre : "ok, on commence comme ça", du coup j'ai levé mon corps d’athlète recalé pour aller fermer cette foutue porte.
Un film à sensations donc, toutes aussi fortes que jouissives, ressentir une telle intensité par moment au point d'avoir les larmes qui montent, le corps qui se fige, les yeux qui s’écarquillent et le pensif qui crie : "putain mais c'est génial", c'est beau quand même. La dernière partie étant limite satanique tellement l'œuvre captive et emporte, pour nous lâcher ensuite avec une musique parfaitement absurde et à côté de la plaque.
Il faut que je cause rapido de ça, qui est une chose que je pratique quelques fois avec mes propres courts métrages, de balancer une œuvre sombre, flippante ou non, mais clairement dure ou sérieuse, puis de finir sur une musique gentillette qui se fout presque de toi au final, c'est quelque chose dont je suis absolument fan. J'appelle ça le syndrome "c'est ballot", t'as vécu tout un truc vraiment dark, éprouvant peut être même, et là on te sort une petite musique inoffensive qui me fait généralement sourire.


Durant une bonne heure et demie l'histoire captive mais on ne sait toujours pas ce qu'il se passe finalement, où tout cela va mener ? Quel rapport avec l'Hérédité ? Puis on sombre dans la folie du final qui s'apparente ni plus ni moins à une simple histoire de démon.
Ainsi il n'est pas surprenant d'apprendre qu'Aster trouve ses influences dans des titres comme Rosemary's Baby.


Pour en revenir à Lanthimos, j'ai surtout pensé à The Killing of a Sacred Deer, cette histoire de famille troublée par une force extérieure, dans laquelle le plus jeune en pâtira. Avec ce burlesque, ce côté légèrement absurde qui dénote, car pour moi Hereditary est également drôle.
Pas au point d'en péter sur son coussin mais il y a un aspect décalé hyper léger qui fait que certaines scènes sont jouissives, toutes celles avec la géniale Ann Dowd déjà. Puis le coup du carnet et du feu, du corps qui s'enflamme, de la tête pleine de fourmis sur le bord de la route, les rêves somnambule d'immolation et j'en passe, dans le glauque réside une folie qui dénote suffisamment pour en être amusante.
La vaste blague également, brillante certes, du principe de la maquette, tout le film se symbolise par ce premier plan où l'histoire prend vie à travers du maquettisme. Plusieurs plans par la suite, que ce soit des extérieurs de la maison complètement modélisés ou d'autres d'intérieurs créés pour rendre cet aspect. Tous les intérieurs sont d'ailleurs construits en studio, au Park City Studios plus précisément. La mouvance des lieux, la possibilité de retirer telle ou telle partie du décor a ainsi aidé au cadre, à apporter cette sensation de fake. Cela se ressent merveilleusement quand dans un plan nous sommes face à une pièce prise du sol au plafond et qu'un acteur joue en plein milieu, telle une marionnette.


Ainsi dans ce système de jeu, d'emprisonnement parfaitement malin, et surtout dans cette mise en scène soignée, où les travelling, plans fixes et tout ce qui apporte une droiture, un niveau parfait au cadre, j'y retrouve la maîtrise et la minutie d'un Lanthimos, ainsi que dans l'absurde.
Pour le reste, donc l'aspect horreur, paranoïaque et captivant, c'est d'avantage vers David Robert Mitchell que je me tourne.
L'aspect paranoïa, signes répétitifs et folie qui fait sombrer les personnages, je le retrouve dans le pulpeux Under the Silver Lake. Pour tout ce qui est peur glaçante, c'est évidemment plus du côté de It Follows. Car contrairement aux films habituels où les Jump Scare qu'on attend ou voit venir de loin, ces mêmes jump qui nous font à peine tousser, ou pour les plus sensibles chier dans leur froc, mettre pause, se changer, parfois, et relancer le film, parfois, l'horreur est ici directement face à nous.
Là où dans le film cité juste au-dessus, l'ennemi suivait sa proie en marchant vers elle d'un pas assuré, dans Hereditary c'est un peu la même chose, l'horreur est sous nos yeux, la tension monte et en gros tu te démerde derrière à gérer comme tu veux la chose. Le Jump Scare tu tousses et tu repars tranquille, sans pression... Une meuf accrochée au plafond durant un plan qui s’éternise ou une vielle debout dans le noir, bah c'est toi qui doit gérer, limite plus que les personnages. Tu dois tenir ton palpitant qui lui veut juste tailler la route, car tu vois l'horreur devant toi mais tu ne sais absolument pas ce que la chose va faire dans la seconde qui suit.



Six feet on top



Ici, nulles réactions débiles à punchline. Hereditary est un film dramatique, sur le deuil et la folie qui peut en suivre. Tout en étant un jeu maléfique aussi amusant qu'une soirée Ouija.
Il en est même malin au point de traiter ce thème sans tomber dans les travers habituels, ainsi après le fameux accident, nous n'avons pas droit à la scène bateau du conflit entre les parents et le gamin qui a fait une bêtise, on passe directement à autre chose pour y revenir subtilement lors d'une discutions plus tard.
C'est ce que j'ai aimé avec ce film, il traite de choses évidement déjà vues comme le deuil d'une famille et d'un autre coté le délire démoniaque, mais d'un point de vue inédit et malin.


Ari Aster frappe ainsi très fort avec ce drame d'épouvante brillant, captivant, drôle, jouissif et à l’exécution exemplaire. Quoi de plus fascinant qu'un film si soigné visuellement pour un thème de fond comme le maquettisme qui demande une précision toute aussi impartiale.
La bande originale accompagne superbement le métrage, rappelant là aussi les morceaux utilisés sur les films de Lanthimos.
Pour ce qui est du casting, il est aussi atypique que complémentaire. Il réside une véritable sensation de famille, tant le choix des acteurs forme une sorte de cohérence, c'est crédible.
Toni Collette en tête, aussi bouleversante qu’effrayante. J'ai quand même bien fait d'attendre une vosft, l'importance que ça a, c'est dingue. Gabriel Byrne tout en retenu jusqu'à un certains point, s'avère d'une justesse remarquable. Quand a Alex Wolff, il m'a bluffé tout simplement, cet ados rongé par les remords et la folie gagnante, bordel la scène où il s'éclate le nez sur la table... pfiou, puissant !
Milly Shapiro, la gamine qui a quand même 16 piges en réalité est superbe, évidement que son faciès fait une partie du boulot mais il faut bien jouer derrière et elle le fait magistralement.


En somme, Hereditary est une surprise de taille, clairement un des meilleurs films de l'année et un des meilleurs d'épouvante de ces dernières. Brillamment écrit et réalisé par Ari Aster, qui je l'espère nous reviendra avec des œuvres aussi réussies.

-MC

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