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le 20 oct. 2018
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En attendant Sans un bruit, c'est Hérédité qui fait son apparition sur nos écrans. Un film d'épouvante qui jouit d'une bonne réputation, surtout pour une première réalisation. Le metteur en scène Ari Aster renouvelle-t'il vraiment le genre, où est-ce une nouvelle oeuvre surestimée, à l'image de The Witch où It Comes at Night.
Le film s'ouvre sur un texte, annonçant une longue série de décès au sein d'une famille, dont la dernière en date et celui de la matriarche. Elle vivait dans la demeure de sa fille Annie (Toni Collette), de son époux Steve (Gabriel Byrne) et de leurs deux enfants Peter (Alex Wolff) et Charlie (Milly Shapiro). Cette dernière semble psychologiquement instable, ce qui serait dû à une trop grande proximité avec sa défunte grand-mère. Son décès va fracturer un peu plus une famille au bord du gouffre, autour de laquelle, la mort semble planer, telle une malédiction ancestrale.
Le film se découpe en deux parties bien distinctes. Dans la première, la caméra de Ari Aster prend le temps d'instaurer une atmosphère oppressante, accentuée par la musique de Colin Stetson, au sein de cette demeure isolée où réside la famille Graham. Au premier abord, le couple est uni face à ce drame. Steve fait le lien entre chaque membre de sa famille, en prenant le temps de prendre des nouvelles de chacun, alors qu'ils se sont isolés : chambre pour Peter, atelier pour Annie et le monde extérieur pour Charlie. Annie souffre de ne pouvoir exprimer sa tristesse, alors que Charlie erre dans son monde, pendant que Peter découvre les premiers émois de l'adolescence. L'ombre de la grand-mère est omniprésente dans l'esprit de chacun. Elle a marqué ce lieu de son imposante présence. Les rapports étaient conflictuels avec sa fille, au point de ne plus se parler. Elle a reporté toute son attention sur sa petite fille qui en garde des stigmates, alors qu'Annie entrait en conflit avec son mari, puis son fils, comme si elle ressentait un besoin irrépressible d'être en guerre avec un membre de sa famille. Un comportement dû à la reproduction du schéma familial, mais pas seulement, tant Annie semble au bord de la folie, alors que le fantôme de la grand-mère rôde dans les recoins de cette demeure.
L'aspect psychologique de cette première partie où le fantastique se trouve dans les méandres de leurs esprits tourmentés, est particulièrement réussie. Elle trouve encore son écho dans la seconde partie, où divers éléments modifient la perception des relations entre les membres de cette famille. Mais le basculement dans l'horreur n'est pas à la hauteur des promesses des débuts. La rencontre fortuite avec Joan (Ann Dowd), n'augure rien de bon, tant l'actrice interprète toujours des personnes peu recommandables. Les séances de spiritisme vont flirter avec le ridicule, avant que des effets grotesques finissent par déconstruire toute l'angoisse ressentie dès les premières minutes de l'histoire. Le film sombre inexorablement dans le burlesque, jusqu'à un final ésotérique, confirmant l'influence de Rosemary's Baby, mais sans parvenir à en tirer toute l'effrayante quintessence.
D'un drame psychologique étouffant, on bascule dans une version auteuriste du déplorable Ouija, qui va surtout déclencher des rires, au détriment de l'effroi. C'est un immense sentiment de gâchis qui prédomine, tant la première partie était maîtrisée, avant de sombrer dans le grand-guignolesque, à l'image d'une Toni Collette impeccable, jusqu'à ce qu'elle fasse la rencontre de cette folle de Ann Dowd. Comme l'angoisse, la nuance laisse place à l'excès, que ce soit dans le jeu des personnages où des situations. Ils sont au bord de la crise de nerfs, leurs visages sont marqués par les événements, comme le fût celui de Charlie. D'un deuil à un autre, le fragile équilibre de cette cellule familiale dysfonctionnelle, explose dans tous les sens, au point d'en exclure Steve du tableau. C'est la lignée de la grand-mère qui est privilégiée, il n'était qu'un géniteur et dans son sang, ne coule pas cette hérédité fatale.
L'histoire est intéressante. Le film aborde divers thèmes, celui du deuil et de ses conséquences, où de la transmission avec cette mère reproduisant les mêmes rapports qu'elle a vécu avec la sienne, envers son fils. Mais son traitement dès que l'horreur prend place, ne me convainc pas. Ce changement de ton, passant de l'angoisse du réel, à un déferlement hystérique puis ésotérique, sombre dans le grotesque, au point d’être parfois burlesque, ce qui n’était pas l’effet voulu. Cela désamorce la moindre tentative d’effroi, transformant une oeuvre prometteuse, en un film ne parvenant pas à tenir les promesses de ses débuts.
Pour un premier film, Ari Aster démontre une impressionnante maîtrise formelle des plus prometteuse pour ses prochaines œuvres. L’influence de Roman Polanski, Nicolas Roeg, voir de Stanley Kubrick, transpire dans chacun de ses plans et thèmes. C’est un réalisateur à suivre, même s’il ne m’a pas convaincu, en partie, dans sa manière de raconter son histoire.
Créée
le 19 juin 2018
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