How to talk to girls at parties (une tannée à dire mais un très bon titre en soit) s'ouvre sur des lettres rouges sang, des effets spéciaux colorés, des posters inégalement accrochés, des sales gosses à vélo et du punk. Beaucoup de punk. Du punk grimaçant, du punk scato et gras, du punk rock et du punk queer. Comprendre que les hommes, les femmes, les hommes femmes, les femmes hommes et les autres ; tous se mélangent en une joyeuse orgie de chaîne cliquetante et de fluides en tout genre. Ça hurle, ça vomit, ça casse et ça part vers la fête suivante. How to talk to girls at parties s'achèvera sur un visage de nerd à lunettes larmoyants et de la musique douce. John Cameron Mitchell nous a bien eu ; le moche ne l'a jamais été, le bizarre est normal. Et la punk est pop.
La violence n'a pas l'air d'intéresser le réalisateur ; avec ses teens bras cassés et ses aliens tout pâles, Mitchell a beau jouer au dur, c'est le lyrisme échevelé qui le porte. Un délice que de naviguer à l'aveugle dans ce collage sauvage de déferlement furieux et de douceur sucrée : le cul entre deux guitares, Mitchell semble incapable de décider entre manifeste punk grand public et errance pop, dans laquelle s'inscrirait le punk. La nuance tient au regard porté : celui d'un désabusé qui découvre une nouvelle culture en même temps que l'altérité et une nouvelle sensibilité (premier cas) et celui d'une novice pénétrant un monde de sueur avec les yeux qui brillent et l'inconstance des premières fois (deuxième cas). À l'image de ses protagonistes, il ne trouve qu'une chose à faire, la plus instinctive et libératrice : il embrasse les deux. La plus belle scène ? Un concert déchaîné ou le romantisme éclot dans le flot de paroles trash. Sur scène, Elle Fanning livre une prestation plus nuancée que l'ingénu mono expressive de Winding Refn (tant mieux) et crée une alchimie avec le non moins superbe débutant qu'est Alex Sharp.
Quoi ?... ah oui : il y a des aliens. Mais plus porté par la fiction que par la science, Mitchell orchestre une rencontre brutale, incongrue et immédiatement charmante des choucroutes colorés punk et des combi cuirs sorties d'un fantasme 60's régressif des touristes intergalactiques. Regression ; une idée importante qui fait de cette improbable fusion une vraie récré sans prise de tête ni prétention, ce qui peut créer une certaine frustration. Aucune véritable ampleur ne ressort du tout. La réalisation se fait moins audacieuse par exemple que le montage, débridé mais méticuleux (dans les dents Suicide Squad) Cependant, la caméra en retrait (il re utilise souvent les mêmes plans fixes pour s'approprier les lieux), Mitchell bâtit un temple pour les bizarroïdes ou, le temps de 48h, tout et tous sont invités à se déchaîner au sens animal puis plus tendre du terme. Histoire d'une libération amoureuse et de la contestation d'une arcane parentale déchue qui ne se reconnaît plus elle même (les filles avec les voix de garçons, et vice versa) How to talk... est surtout une petite bulle, un shot de jeunesse acide qui célèbre le temps d'aimer et le temps des adieux avec une mélancolie surprenante ; jurant avec l'inconséquence de la majeure partie du film, les 20 dernières minutes confrontent le rêve a la réalité et fait connaître l'injustice d'un monde normé et coutumé et l'épiphanie sexuelle à ses personnages, paralysant alors des êtres d'ordinaires si vigoureux. Et la pop de soudainement disparaître ; la joie ne vaut pas tripette face à une société qui condamne le choix de la douleur. Car c'est ce que Mitchell semble appeler le punk ici : la responsabilité alliée à la liberté de se faire des doigts et de trouver sa voie dans les discordes (vocales). Le réalisateur semble morose, comme nostalgique d'un punk positif et rassembleur qui se serait gorgé de regret : peu présente (c'est parfaitement dosé ainsi), Nicole Kidman délivre très bien dans sa performance grandiloquente l'amertume des désillusionnés qui combat pour que son refuge au monde reste sa famille. Point de jugement de valeur dans ce long métrage, mais quelque chose est effectivement mort a la fin de How to talk... quelque chose comme l'innocence. Et après des rires francs suite à des situations franchement inattendues une larme fluo risque bien de s'écraser sur vôtre genou tout frêle d'amoureux transi : vous ne le savez pas encore, mais vous aimez déjà.

JeVendsDuSavon
9
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le 21 juin 2018

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JeVendsDuSavon

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