Mode d'emploi pour un Battle Royale encore plus raté

Curiosité ou sado-masochisme, j'avais acquis il y a quelques temps le premier Hunger Games, issu d'une série littéraire pour adolescents. Le principe était simple : dans un univers dystopique pas franchement reluisant, une rébellion ayant eu lieu il y a 74 ans a été éradiquée après une lutte acharnée contre le Capitole. Le gouvernement rancunier a eu l'idée d'infliger une punition aux pauvres des douze districts. Chaque année, un garçon et une fille de chaque district sont choisis pour participer à un jeu où ils doivent s'entretuer. Pour ceux qui s'y connaissent un minimum en littérature, vous aurez deviné que l'oeuvre s'inspire allègrement de Battle Royale qui sera lui aussi adapté en film.


Hunger Games : L'Embrasement reprend donc les choses là où elles étaient restées après un premier épisode calamiteux qui reflétait à merveille le manque de couilles de Hollywood d'édulcorer des scénarios violents pour éviter de choquer le plus grand nombre puisque sa volonté étant de faire le plus de profit possible, il faut faire du grand public. Seulement faire ça pour un titre qui met en scène des combats à mort, bah c'est un peu (beaucoup) ridicule mais en même temps comique car ils croyaient vraiment à la qualité du film. Mais Hunger Games : L'Embrasement n'est pas seulement une suite, c'est aussi une pâle copie du premier. Certes, la révolte gronde de la manière la plus manichéenne qui soit mais les hunger games ne sont pas finis. Katniss inquiète le pouvoir (il aura fallu 74 ans pour que les gens commencent à réaliser la connerie du système politique en place) sauf que fort heureusement arrivent les "Jeux de l'Expiation" qui ont lieu tous les 25 ans. Le principe est de réunir un gagnant et une gagnante de chaque district pour un nouveau tournoi à mort qui ne verra qu'un seul survivant. Une occasion rêvée pour le président Snow d'entacher l'aura de Katniss car il espère que celle-ci révélera son vrai visage en tuant. Comprenez bien que tout s'était achevé avec plein de papillons et de bisous dans le cou donc il faut justifier ça à tout prix. D'ailleurs, on se demande à quoi sert Peeta car il n'y en a que pour Katniss.


On se dit alors que là ça ne va plus rigoler. Katniss va affronter des ennemis d'une toute autre dimension, hargneux, bestiaux. Peut-être qu'il y aura un peu de cette virulence de Battle Royale. QUE NENNI ! Les âmes les plus sensibles ont été choquées par les deux gouttes de sang du premier ? Alors rassurez vous car Hollywood a pensé à tout et s'est dit qu'il fallait rendre cette suite encore plus accessible. Il a donc revu certains points du premier pour vous dresser une liste des choses à faire pour que ça soit encore plus mauvais :


1) Il n'est pas nécessaire de montrer du sang lors des quelques rares meurtres qui seront filmés avec une caméra très approximative. Pas besoin, ça choquerait ! On donne un petit coup d'épée. On décoche une petite flèche avec un plan d'une demi-seconde sur la victime et on passe à autre chose.


2) Faire s'entretuer des personnes, c'est quand même un peu trop violent hein donc l'idée est de faire en sorte que le véritable danger soit la carte même avec une menace toutes les heures (gaz toxique, pluie de sang, grosse vague, mandrills enragés). Ca atténue le choc donc c'est bien pour toucher le public le plus large possible


3) Il est indispensable d'évacuer toute noirceur, tout climat de désespoir dans l'arène. L'abnégation la plus naïve qui soit est vivement recommandée, de même que le sacrifice de soi, le mielleux et le pathos. L'histoire d'amour doit prendre une place encore plus centrale car l'amour transcende la haine et la violence. L'espoir, rien que l'espoir au milieu de cette folie.


4) Nul besoin de s'attarder sur les autres candidats. On risquerait de s'y attacher et quand l'un meurt, c'est triste et donc certains spectateurs seraient tristes. Ce n'est pas très vendeur. Le premier avait fait cette erreur donc il faut réparer les dégâts causés. Ici on se fout de la mort de chaque allié, comme ça c'est plus simple. Pas besoin de se pencher sur les 3/4 des joueurs, ils ne servent à rien et ils mourront hors-champ. Logique car filmer des jeunes qui s'entretuent, c'est trop violent donc pas assez vendeur.


5) Katniss doit être vue comme l'être providentiel qui servira la cause des opprimés. Peeta lui ne sert à rien et encore moins le gars avec qui elle fricotait hors de l'arène. Elle seule a le pouvoir de guider les âmes égarées et de préparer la révolution. Elle doit rassembler toutes les qualités et ne doit avoir aucun défaut. Une anti-héros mais quelle horrible idée pour le grand public !


6) Multipliez les incohérences diverses et variées, les passages à suspense qui n'en sont pas puisque l'on devine à l'avance ce qui va se passer. On sait que les protagonistes les plus importants survivront au gaz toxique et aux singes. Pas de tracas là-dessus ! Pour les choses incompréhensibles, dites vous bien que tout a été pensé dès le début. Le geek trimballait dans son anus 2km de fil de cuivre, la morphinomane avait un stock de peinture pour se camoufler, les dégâts du gaz sont estompés avec l'eau, etc, etc... Inutile également de trop expliquer, le flou c'est très bien aussi. Après tout, les gens ne sont-ils pas censés mettre leur cerveau en pause au lieu de réfléchir devant un blockbuster ?


7) Il ne faut pas faire de Hunger Games un thriller car ça n'irait pas niveau accessibilité pour le grand public. Transformez le tout en drame social, en histoire d'amour qui ne meurt pas au beau milieu de l'adversité. Le gnan-gnan c'est le b.a.-ba de tout blockbuster qui se respecte. Les alliances doivent se faire de manière simple. Ils ne se connaissent pas mais la confiance règne tout de suite. Personne ne peut devenir fou, paniquer, perdre ses moyens. Le psychologique n'a pas sa place. Et si jamais on arrive à la fin et qu'ils sont tous en vie ? Comment ça va se passer ? Ils vont devoir se taper sur la gueule comme un seul doit en sortir vivant ? C'est pas juste, moi je les aime tous hein ! Je veux qu'ils s'en sortent tous vivants ! PAS DE SOUCI POUR CA car ça n'arrivera pas. Vous pouvez donc souffler. La dureté de propos et le blockbuster ça fait deux (et le réalisme aussi) !


8) Essayez de faire une fin encore plus conne que le premier opus. Claquez un gros retournement de situation qui passe par une Katniss juste un peu blessée après s'être mangée un orage du feu de Dieu pour poursuivre avec un des bras droit de Snow qui finalement était du côté des révolutionnaires. Tout était prévu dès le début, jusqu'à sa nomination au jeu. Vous avez vraiment bien caché votre jeu en l'envoyant à la mort. Mais je me pose une question : "Et si jamais Katniss se serait faite tailler en pièce, la suite de votre lutte aurait consisté en quoi ?". Mmmmh aucune réponse à part me dire que la boule de Madame Irma a dit qu'elle survivrait ?


En conclusion, que Hollywood glorifie la médiocrité ne me surprend pas ! Nous nous sommes habitués depuis longtemps à son absence de corones qui nous rappelle à quel point les années 70 et 80 sont loin. Seulement, se la jouer pseudo-rebelle alors que ça euphémise quasiment 100% de la violence d'un titre qui y est étroitement lié, on se situe clairement dans du foutage de gueule. Francis Lawrence est parvenu à faire encore plus insipide que son grand frère. Ce qui, disons le clairement, est un exploit ! Si Gary Ross a su au moins faire preuve d'un soupçon de magnanimité lors de la première grosse confrontation à la "Fontaine d'Abondance" avec une ou deux giclées de sang, là, soit on tombe dans l'eau, soit on prend son sac et on s'enfuit directement, soit rien n'est filmé (peut-être 2 meurtres et encore..). Dans ce bourbier, seule la figure angélique de Jennifer Lawrence et son charme fou apparaît comme l'unique qualité. On en arrive au générique de fin à se demander si "L'Embrasement" qui donne son nom au film n'est pas en corrélation avec la médiocrité plutôt qu'avec la "luuuuutte finaaaale".

MisterLynch
2
Écrit par

Créée

le 15 sept. 2021

Critique lue 22 fois

MisterLynch

Écrit par

Critique lue 22 fois

D'autres avis sur Hunger Games - L'Embrasement

Hunger Games - L'Embrasement
Socinien
6

Du pain et des pieux

Ce film m'a plongée dans une grande perplexité. J'y allais avec un enthousiasme débordant à la perspective d'affronter un nouvelle adaptation tremblotante d'un roman qui a su habilement mixer...

le 28 nov. 2013

65 j'aime

14

Hunger Games - L'Embrasement
Vivienn
4

Dead Set

Autant prévenir tout lecteur potentiel à l'aube de cette critique : elle sera très subjective. Durant l'été qui a précédé la sortie du premier film Hunger Games, j'ai dévoré les livres de Suzanne...

le 22 nov. 2013

52 j'aime

12

Hunger Games - L'Embrasement
Strangelove
6

J'ai faim.

Ce titre n'a pas (forcément) de rapport avec le film, je viens juste d'en sortir, et je suis pris d'une grosse fringale. Je me demande d'ailleurs bien ce que je vais manger ce soir... Mais passons,...

le 1 déc. 2013

51 j'aime

26

Du même critique

Malmkrog
MisterLynch
4

Que tout ceci est époustouflifiant !

Au démarrage de cette critique, je suis à la fois confus et déçu. Confus parce qu'il m'est bien difficile de mettre des mots sur ma pensée et déçu parce que Cristi Puiu était considérablement remonté...

le 25 juil. 2021

4 j'aime

9

Ménilmontant
MisterLynch
9

Là où tu iras, il n'y a pas d'espoir

Ce n'est que tardivement que j'ai connu Dimitri Kirsanoff dont j'eus le plaisir de faire un démarrage en fanfare dans sa filmographie. Ménilmontant c'est avant tout une entrée en matière d'une...

le 5 mars 2021

4 j'aime

1

From What Is Before
MisterLynch
8

Un léger bruit dans la forêt

Mes débuts avec Lav Diaz ne s'étaient pas du tout déroulés comme je le pensais. Avec "Norte, la fin de l'histoire", je sortais épuisé et déçu de cette séance qui n'eut pour moi qu'un intérêt proche...

le 19 févr. 2021

4 j'aime