C'est un vent de révolte qui souffle sur Panem. Depuis que Katniss a détruit l'arène des Hunger Games, la plupart des districts sont en proie à une rébellion sans précédent contre le Capitole. Plus de jeux, donc : l'atmosphère est ici celle d'une planque rebelle, immédiatement saisie d'un sentiment de dissimulation contrainte. Au milieu de ce gigantesque quartier sous-terrain, apparaît, essoufflée, inquiète, terrassée, Jennifer Lawrence. En un instant, elle inonde l'espace, surplombe l'écran et en impose bien plus que lors de ses récentes sorties.

Si, à ce moment-là, elle monopolise toutes les attentions, c'est aussi car derrière elle, il n'y a pas grand chose. Volontaire ou pas, ce choix de démarrer le film par une longue introduction contemplative, laissant place aux souvenirs et à la découverte de la récolte de ce qu'elle a semée, a de quoi laisser perplexe plus d'un spectateur, surtout celui (en quantité non négligeable) présent pour retrouver l'adrénaline quasi-hystérique de L'embrasement. En réalité, ceci s'avère bien plus audacieux que l'eut été une énième baston, d'autant plus qu'elle n'aurait absolument rien eu à faire là. On découvre alors le District 12, ou plutôt ce qu'il en reste, c'est-à-dire débris, corps sans vies et désolation. Désormais, Katniss, auparavant plus préoccupée par le sort de son Peeta, en prend pleinement conscience : elle est devenue, bien malgré elle, le symbole de la rébellion.

Inopinément, le film porte en lui une réflexion très intéressante : Miss Everdeen doit alors se plier aux règles du clan qui dirige les rebelles, plus ou moins obligée de tourner des clips de propagande incitant les habitants de Panem à prendre les armes et à se soulever. Maquillée, rehaussée par une esplanade centrale, une scène fait écho à toute sa carrière : récitant un texte, au centre de toutes les attentions contre son gré, toujours avec cette maladresse récurrente qui la caractérise. Au-delà de la belle parabole personnelle, quasi clin d’œil à son actrice phare, se pose alors la question de l'image. Arme de communication redoutable, diffusée sur des canaux piratés, le constat, à la forme ultra-moderne, est en fait assez cynique : les deux clans utilisent exactement les mêmes méthodes, tentant à tout prix de rallier l'opinion publique, derrière une armada de mise en scène et de caméras. Un peu comme le cinéma, au fond. Et si les causes de leur combat diffèrent (l'un protège les oligarques, l'autre revendique la justice sociale), les effets produits, eux, sont strictement identiques : combats, actions terroristes, et vie humaines sacrifiées.

En cela, cet Hunger Games est redoutable mais demeure avant-tout subversif, invitant à insurrection. L'écho aux rebelles Syriens, Ukrainiens, Thailandais est tout trouvé : dans ce dernier pays, le salut à trois doigts (signe de ralliement initié par le film) a même été interdit, preuve que la franchise mêle assez bien divertissement grand public et fer de lance d'un message rare à Hollywood. Pourtant, la "révolte grondée" est en tous points Hollywoodienne : ce découpage du dernier tome en deux parties pour doubler les recettes n'est même plus surprenant, pas plus que ce triangle amoureux, trop ou trop mal exploité, aux images lourdes et à l'intérêt limité, claustrophobe, à l'image de cet austère et angoissant quartier général, délaissant du coup les autres districts, dont les réactions populaires auraient sans doute été intéressantes à traiter. Ce sont alors les fulgurantes scènes du bombardement d'un barrage et d'une mission commando (tension dramatique à son climax) qui justifient ce rythme, volontairement haché, qui promet surtout d'envoyer du lourd pour l'épilogue. Un seul film dense, de trois heures aurait-il été plus judicieux ? Peut-être, mais la Révolte se doit avant-tout d'être commerciale.

C'est une belle réussite qu'est ce Hunger Games-là. Pas toujours captivant, offrant néanmoins de belles réflexions sur la construction d'une figure héroïque, et sublimé par la présence d'une J-Law meurtrie, cet avant-dernier épisode - moins divertissant que développé - propose une mise en abyme d'une ironie jubilatoire : et si la Partie 1 n'était qu'un gigantesque "propa-clip" destiné à promouvoir... la Partie 2, attendue fin 2015 ?
critikapab
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le 23 nov. 2014

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