Le biopic fait ses gammes sans passion

Annoncé par beaucoup comme étant l'un des favoris aux Oscars, à l'image de son interprète phare Benedict Cumberbatch, Imitation Game était de ce fait des plus prometteurs, encore que son statut de film biographique / historique n'était pas dans mon cas un avantage des plus assurés ; en fait, on peut relever bien des similitudes de sujet encore ce long-métrage de Morten Tyldum (who ?) et un certain Un Homme d'exception, biopic lui aussi dédié à une figure économiste (encore qu'il s'agisse présentement d'un mathématicien cryptanalyste) éminente de notre siècle ne demandant qu'à être popularisée.


À l'image du traitement de John Nash, Imitation Game revient donc en détail sur les grandes lignes de la vie d'Alan Turing, avant tout connu pour son implication au sein de la Seconde Guerre Mondiale : il facilita en effet grandement le décryptage d'Enigma, une machine réputée inviolable et utilisée par les forces allemandes afin de communiquer.


Imitation Game revient ainsi en grande partie sur cette part d'ombre de l'histoire (révélée des décennies plus tard), mais pas que, son penchant biographique étoffant le personnage d'Alan Turing au travers de trois époques clés, notamment la première : outre une évocation de son homosexualité au travers de son premier amour, cette phase (1927) rend en effet compte des brimades subies par Turing et tend à expliciter le devenir de ce protagoniste hautement complexe, comme peut en attester son attitude et ses manières pour le moins étranges.


Au coeur de son sujet (1939), celui-ci nous est ainsi présenté comme étant un esprit des plus exceptionnels, mais tout aussi associable en apparence ; confronté à son air hautain difficile en l'espèce de s'y attacher, à l'image de son esprit solitaire et sa mise à dos de l'équipe constituée afin de casser Enigma... bref, un drôle d'animal en somme, mais son développement constant au fil d'une trame intéressante n'aura de cesse de rendre hommage à juste titre à cet homme unique en son genre.


Dans sa globalité Imitation Game est ainsi plutôt captivant, tandis qu'il aborde au sein d'une troisième époque (1951) le funeste destin de son fameux sujet, dont l'homosexualité sera sévèrement réprimée par un système légal que l'on qualifierait volontiers aujourd'hui d'inhumain (les temps on décidément bien changé) ; un long-métrage aux nombreuses facettes en somme, dont le mérite tient en son récit oscillant de façon équilibrée et maîtrisée entre ces différents points d'intrigue, donc la vue d'ensemble nous fera dire que l'on tient là un très bon biopic.


Néanmoins, celui-ci prend sans surprises des libertés vis-à-vis de la vérité historique pure, ceci servant le caractère romancé de son scénario en accentuant quelques aspects fondamentaux : il y a notamment l'inimité bien trop prononcée du commandant Denniston, tandis que le film ne manque pas d'héroïser son équipe de façon trop marquée, et ce en la limitant à un nombre de membres fort restreint tout en lui attribuant tout le mérite dans la fondation d'Ultra.


On peut d'ailleurs en venir au défaut majeur du long-métrage, celui-ci arborant une galerie de personnages secondaires des plus caricaturales, dont le statut prévisible tend à mettre davantage en lumière le seul élément véritablement recherché qu'est Turing ; pour autant, ses quelques interlocuteurs sont malgré tout des plus sympathiques, et ce grâce à l'apport d'une casting british excellent en la matière.


On pourrait ainsi citer les charismatiques Matthew Goode (que j'avais perdu de vue depuis Watchmen), Mark Strong (irréprochable comme à son habitude) et Charles Dance (parfait dans son rôle), tandis que Keira Knightley se fend d'une prestation fort convaincante ; cependant, on songe assurément à la performance exceptionnel de Benedict Cumberbatch en premier lieu, dont la nomination à l'Oscar du meilleur acteur tombe sous le sens.


En résumé, bien que non transcendant, Imitation Game s'avère satisfaisant dans son registre, dont l'intrigue aux nombreux ressorts s'attache notre intérêt de bout en long ; reste son caractère de long-métrage pour le moins classique en tant que tel, à l'image d'une réalisation propre mais peu innovante de Morten Tyldum, ce qui limite grandement son impact (la BO est également très discrète)... tandis que Imitation Game manque quelque peu le coche en termes d'émotion (il y avait pourtant de quoi faire), à l'image d'une dénouement laconique.

NiERONiMO
6
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le 5 févr. 2015

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NiERONiMO

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