Irréversible est à la fois une chute et une ascension, a la fois sale et beau, sombre et lumineux.


Il s'agit de la chute de Marcus vers le désespoir, la haine et la violence, la chute vers des bas-fonds tellement répugnants que l'on en vient à se demander si des boites comme celle-là existent réellement. Sa vie en compagnie d'Alex était belle, douce et ils avaient une complicité que l'on envie. Malheureusement, le viol / meurtre de sa femme va le faire plonger vers un monde remplie de prostituées tabassées, de ruelles sales, de proxénètes violeurs, de boites de nuit gay tellement immondes que des junkies sado-masos s'y masturbent en te regardant te faire violer au milieu de la foule.


Il s'agit de l'ascension vers la beauté des images et des couleurs, car l'histoire est à l'envers. Le film démarre dans le 'Rectum', cette boite de nuit glauque où tout est noir, rouge sombre, rempli de sodomites junkies et de violeurs. La caméra ne cesse de tournoyer furieusement tandis qu'un homme s'y fait exploser le crâne avec une brutalité saisissante. Tout ce passage y est montré avec tant d'efficacité que le spectateur peut sentir l'odeur moite et infâme qui transpire de ces murs. On y étouffe au même rythme que le personnage principal.
Plus tard, on suit Marcus dans des ruelles sombres où une poignée de prostituées attendent silencieusement qu'un client viennent s'y souiller pour les rejoindre dans leur crasse.Les couleurs y sont ternes, sombres mais tout de même un peu présentes. De son coté la caméra continue de tourner, mais beaucoup moins.
Lorsque l'on se retrouve dans le tunnel, de réelles couleurs s'y dessinent enfin, bien que toujours limitées à un camaïeu de rouges. Il y a toujours cette violence, cette animosité des hommes ; Décuplée qui plus est car on assiste alors à un viol. De par la position de la caméra, Noé nous place même en témoin passif, qui regarde Alex subir l'un des pire sort que l'on puisse vivre sans rien faire. Nous sommes complices.
Une fois passé cette fameuse scène, le camaïeu de rouges s'élargit à l'ensemble des couleurs, des nuances de bleu, de vert et de jaunes apparaissent à l'écran. Celui-ci reste obscurci par l'ambiance nocturne qui règne irrémédiablement. Néanmoins, une étape majeure est franchie car cette fois, les personnages ne souffrent plus, ils sourient, même. Ils s'amusent malgré quelques tensions et disputes qui gâchent un peu l'ambiance. Le spectateur aussi s'est apaisé car la caméra est désormais (à peu près) stable.
Enfin, Irréversible se termine dans l'intimité du couple Marcus et Alex. Maintenant, on peut observer les deux amants, fous amoureux l'un de l'autre qui vivotent paisiblement dans leur appartement. Ils sont nus, ils s'embrassent et plaisantent.
Le plan final montre Alex, heureuse dans un parc resplendissant. L'herbe qui lui caresse ses pieds nus est d'un vert presque trop lumineux pour être réel, des enfants aux vêtements de toutes les couleurs courent autours d'elle en riant.


Irréversible représente l'ascension d'un gouffre dont la sortie est un miroir reflétant l'horreur terrée au fond.
En effet, si le film se conclut sur une note aussi belle que mielleuse, il s'agit en réalité du début de l'histoire. On est donc soulagé de les voir enfin heureux, mais on sait désormais qu'ils sont condamné à un sort misérable.


En règle générale, je place toujours le scénario au dessus de tous les autres critères, or Irréversible est le seul et unique film où j'ai pu faire l'impasse sur ce point. En fait, le synopsis sur la page SC du film raconte à lui seul l'ensemble de l'histoire.
Cependant, la mise en scène combinée au travail sur les couleurs et celui des images sont tellement au delà de tout ce que j'ai pu voir que j'en ai totalement oublié la simplicité du scénario. Les couleurs et la lumière y apparaissent progressivement pour souligner l'escalade de ce gouffre urbain. D'ailleurs, c'est même beaucoup mieux ainsi car la mise en forme de l'histoire est tellement travaillée et retournée dans tous les sens que le même film avec un scénario complexe aurait été complètement incompréhensible et imbuvable.


Outre le talent de Gaspar Noé, je me dois de m'incliner devant celui des acteurs. La scène du viol est un coup de maître, une leçon de cinéma à elle seule. Comment ont-ils fait pour tourner ce plan-séquence extrêmement long avec autant de crédibilité et de réalisme ? Si l'on voyait cette scène en dehors du film, on croirait fermement que Monica Belucci se fait violer et tabasser pour de vrai sous nos yeux. C'est saisissant ...


Cette oeuvre grandiose n'est évidemment pas à mettre entre toutes les mains ; premièrement car plusieurs scènes y sont d'une dureté affreuse (J'avais par ailleurs tenté de le visionner une première fois quand j'avais 16/17 ans. Mais la scène du viol était trop dure pour moi et je n'ai pas pu le terminer. J'en ai d'ailleurs été fortement marqué), la perfection des effets spéciaux y contribuant.
Deuxièmement car, indéniablement, Noé a un style très particulier qui en rebutera plus d'un. Quant à moi, je suis totalement conquis, cette chute-ascension à la fois sombre et lumineuse est un tour de force magistral.



THIS . IS . ART !


Yoho_Batman
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le 23 sept. 2015

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Yoho_Batman

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