It Must Be Heaven est une oeuvre d'art atypique et curieuse. Je ne connaissais pas le cinéma du réalisateur palestinien Elia Suleiman et j'ai été plutôt séduit par son point de vue décalé et osé, cernant très bien les rouages de nos sociétés occidentales et de notre monde contemporain. Sous forme de film à sketches et via un cynisme presque muet, le réalisateur dresse un portrait bancal du monde et pose la question de l'appartenance à un pays. Où peut-on se sentir "chez soi" alors que l'état d'insécurité se généralise, que ce soit à Paris ou à New-York ? Doit-on encore se considérer comme des étrangers d'un pays à l'autre et ne voir que nos différences ? Comment dissimule-t-on la misère ? Dit comme ça, c'est plutôt pessimiste et peu attrayant mais le réalisateur s'empare de ce contexte pour en extraire une vision burlesque, poétique et politique. Ces saynètes, avec pour protagoniste principal le réalisateur lui-même, s'enchainent et portent une réflexion sur les dérives absurdes de notre existence. Tel Charlie Chaplin, Elia Suleiman se tient là, muet, observant cette réalité qui nous échappe alors qu'elle est pourtant si proche. Les scènes dans un Paris déserté sont assez étonnantes et rares, tout comme celle dans Central Park où un ange tente d'échapper aux forces de l'ordre... J'ai trouvé la plupart de ces messages forts et percutants. D'autres, par contre, sont beaucoup plus anecdotiques et répétitifs. Le rythme global, par conséquent, en pâtit et devient irrégulier, passant de coup de maitre à des tableaux purement esthétiques et mal inscrits dans la narration globale. C'est dommage car il y a tout de même une proposition très personnelle, jamais vue et belle. It Must be Heaven mérite sa distinction au Festival de Cannes et devrait marquer les cinéphiles et les curieux !