On aimait Kaamelott pour son ton original, pour ce décalage percutant entre la saga héroïque et la trivialité des échanges.


On aimait Kaamelott pour les obscénités balancées tout en conservant le voussoiement.


On aimait Kaamelott pour ses personnages hauts en couleur, tous ces "débiles" si attachants : Perceval et Karadoc en premier lieu, les paysans et leur accent inimitable, Guenièvre et sa diction inimitable, les neveux inimitablement idiots, le très cash Léodagan, le très sérieux moine qui ne supporte que la quinte juste, Merlin l'incapable qui plombe l'ambiance, etc. Etc. Presque tous réjouissants.


On aimait Kaamelott pour ses formules devenues cultes : "j'en ai d'jà marre", "sire, on en a gros", "on veut être considérés en tant que tel", "ça peut pas être moi, je sais pas ce que ça veut dire", "j'lui ai enlevé la tête du corps pas plus tard que c'matin, j'espère qu'ça va pas vous faire défaut ?", "faites gaffe à c'que vous allez baver" "est-ce qu'on peut s'en servir pour donner d'l'élan à un pigeon, etc. Etc. Subtil et inventif.


On aimait Kaamelott pour le personnage d'Arthur, désabusé et affligé en permanence, pince sans rire, volontiers excédé.


Que reste-t-il de tout cela, dites-le moi, comme dit la chanson.


Kaamelott n'est plus qu'un champ de ruines, à l'image du château détruit par... Arthur lui-même, c'est-à-dire par Alexandre Astier. Astier, tellement attendu au tournant, a voulu détruire Kaamelott pour le réinventer. Proposer quelque chose de nouveau, ce qui est tout à son honneur.


Problème, ça ne marche pas, mais pas du tout. Passer de la vignette au long métrage était un sacré défi, le résultat est un fiasco. Un fiasco qu'on pouvait sentir venir puisque la saison VI s'était, déjà, essayée au plus long format : on constatait que c'était moins drôle, moins percutant. Mais là, on touche le fond. Enfin j'espère car deux volets sont encore prévus...


Petit 1-, on sent nettement qu'Astier a voulu donner à manger à chacun. Les acteurs font un petit tour et puis s'en vont et ce volet 1 vire à la suite de sketches. Quelques nouveaux comme Guillaume Gallienne (réjouissant en vendeur d'esclaves), Clovis Cornillac (plus convenu) ou Sting (pour faire le buzz). Et puis tous les anciens guests de la série : Alain Chabat, François Rollin, François Morel, Christian Clavier, Antoine de Caunes... Chez les anciens, seuls les fidèles Perceval et Karadoc sont présents sur la durée. Un p'tit sketch des paysans pour satisfaire les fans des paysans, quelques apparitions de Merlin pour combler les fans de Merlin, Leodagan et dame Selli à plusieurs reprises pour contenter leurs adorateurs, etc. Etc.


Cela ne fait pas un film. Surtout lorsqu'on se montre approximatif sur le scénario : pourquoi le duc d'Aquitaine abandonne-t-il soudain Arthur au petit matin, plutôt que de le mener jusqu'aux nouveaux résistants ? Pourquoi Arthur, qui semble si réticent, accepte-t-il de finalement retirer l'épée ? Pourquoi l'épée ne marche-t-elle plus, et pourquoi remarche-t-elle au moment fatidique ? Tous ces points sont négligés. Normal : Astier ne pense qu'à produire des effets, à coups de stars ou de spectacles dignes d'un blockbuster...


Petit 2-, plus grave : Kaamelott se prend au sérieux. Le film nous propose moult scènes épiques, renforcées par une musique ronflante à souhait. Pas facile alors de revenir à l'ADN de la série, qui est : la discussion. La discussion toute simple basée sur les éléments exposés au début de cette critique, qui vire immanquablement au pugilat. Non, pas facile.


Résultat : même ce registre-là est moins convaincant. Perceval est moins drôle, Arthur aussi, jusqu'à Leodagan qui semble avoir perdu un peu de sa niaque. Même lorsqu'il consent à se répéter, Astier est moins drôle : ainsi de la scène où Arthur demande à Perceval et Karadoc d'aller monter la garde, scène typiquement "kaamelottienne", qui fait moins mouche, j'en suis convaincu, qu'elle ne l'aurait fait dans la série. Quant à Lancelot il est égal à lui-même, n'était cette armure en peau de lézard ridicule - mais lui n'a jamais été drôle.


Tant qu'à se prendre au sérieux, allons-y franchement et versons dans le mélo ! Qu'est-ce que c'est que cette histoire de flash backs nous montrant un Arturus amoureux, qui va mener à l'Arthur d'aujourd'hui escaladant une liane pour faire le joli coeur face à Guenièvre ? Voilà ce qui s'appelle un sabordage en règle de l'identité de Kaamelott. Se réinventer, oui. Se saborder, non. On pourrait aussi citer la scène où Arthur s'apprête à achever Lancelot et qu'un flash back le fait renoncer (ben oui, si plus de Lancelot, plus de suite à ce volet 1) : grandiloquent au possible. De l'anti-Kaamelott.


Et puis il y a la scène, très embarrassante (pour reprendre le vocabulaire du Masque et la plume) de l'assaut final. C'est simple, je me suis cru dans un jeu vidéo. Aussi laid que ça. Pas pour rien que je fuis les Marvel et autres DC. Effets spéciaux, plans à coups de drones, musique cliché aux basses sur-amplifiées : Kaamelott, l'oeuvre, s'effondre en même temps que Kaamelott le château.


Pitié sire ! Pas de volet 2 !


Il y a tout de même quelques réussites dans cet immense gâchis (allez j'ai failli mettre 4, je monte à 5) : la réception d'Arthur par le duc l'Aquitaine (et Arthur interdit lorsqu'on lui verse une petite fiole dans son bain) ; la partie de Robobrol ("c'est pas la balle qui compte ! c'est les points !") ; l'idée d'utiliser la musique pour mettre de l'ordre dans l'assaut des Burgondes (bien dans la veine de cet étonnant musicien qu'est Astier, qui signe toute la BO !) ; la scène des paysans quand même (oui, Astier atteint là son but vis-à-vis du fan des paysans que je suis) ; et quelques répliques qui font mouche ici ou là, vestiges d'une grandeur passée.


La grandeur de Kaamelott c'était... de se moquer de la grandeur, de tourner en dérision la dimension épique de la Table Ronde. Dès lors qu'il devient épique, Kaamelott se tire une balle dans le pied. CQFD. RIP.


Faut qu'vous arrêtiez d'faire des films avec Kaamelott, Astier. J'vous jure, j'pourrais vous tuer. Mais de chagrin hein.

Jduvi
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le 29 juil. 2021

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Jduvi

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