Ken Park
6.3
Ken Park

Film de Larry Clark et Edward Lachman (2003)

Voyage dans la maladie sociale et mentale étatsunienne. La religion rend fou. Les personnages tracés à gros traits comme souvent avec Larry clark : ses personnages ne se contentent pas de frôler mais sont des caricatures. Je ne nie pas qu'il en existe réellement et même des plus frappés. Mais ceux-là manquent de nuance voilà tout.
Le scénario suit des personnages qui sont désaxés, loin même de la marge. Des gens malades de religion (le père de Peaches), malades de l'absence (Tate et ses grands parents), malades du temps qui passe (la mère qui se fait le petit ami de sa fille), malade de son homosexualité refoulée (le père de Shawn), etc. Des gens en zone extrême, dans une souffrance hors limite, dans un point de non retour.

Pour ce qui est de la violence du film, une seule scène a été difficile presque insoutenable, c'est celle où le père de Peaches agresse le petit ami de sa fille, alors qu'il est attaché au lit, sans défense. Sa sauvagerie est à l'image de son enfermement, dans la religion et dans son deuil mal négocié.

J'ai bien aimé le parti pris réaliste de la réalisation. Les scènes pornographiques ne le sont pas vraiment. Elles montrent certains actes dans leur réalité mais il n'y a rien de voyeuriste, cela n'a rien à voir avec les films de l'industrie porno. Aucune esthétique et liturgie porno. Qu'une intégration ultra réaliste de la sexualité quotidienne et inhérente à la réalité des personnes dans une réalisation qui soigne par cette occasion le soin d'honnêteté et de principes réalistes. Sur ce point c'est intéressant de voir un film intégrant des scènes porno (au sens étymologique donc) dans une narration réaliste, comme si cela était normal. Parce que c'est la normalité. Des personnages d'une part. Du genre humain d'autre part. Une éthique artistique qui me séduit amplement. Le sexe n'est pas montré pour que le spectateur prenne du plaisir ou soit excité, loin de là, il est montré parce qu'il est réel, non elliptique, concret, vivant et vécu par les personnages. Cela devrait être la normalité du regard du spectateur. Du simple bon sens. Naturel.

Ce qui me gêne donc c'est plutôt que cette forme, respectant la réalité ne soit pas en accord tout le temps avec le fonds. Que les personnages ne soient pas aussi réels que le fait de montrer la violence et le sexe dans leur crudité naturelle. Je répète des personnages comme ça existent mais cette accumulation au m² me rend un peu perplexe. C'est du cinéma forcément que les traits sont groosis diront certains. Justement, un peu plus de nuances dans la souffrance et l'expression de cette souffrance aurait dû être respectée autant que la crudité visuelle des actes sexuels et de la violence déchaînée. Y a un petit fossé qui me dérange.
Quant à l'acting il est évidemment fascinant. Même chez les adultes. Mise en scène des acteurs impressionnante. Encore un réalisme à couper le souffle sur certaines scènes.

Au final, un film pas si dérangeant que cela par son discours. Ou plutôt disons que le film fait partie d'un mouvement introspectif collectif très sain et novateur dans le cinéma. Mais Larry Clark n'est pas seul. Comme l'on fait remarquer mes petits camarades, les USA sortent pas mal de ce genre de films dénonciateurs. L'Europe en ce sens est encore à la ramasse... Beaucoup de manque de courage de ce côté de l'Atlantique. Le système de financement télévisé fait la part belle au divertissement. Où sont les Ferreri, les Blier, les Bertolucci d'antan? Aux Etats-Unis, manifestement.
Alligator
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le 27 déc. 2012

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Alligator

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