Matthew Vaughn a rebooté avec brio la trilogie X-Men, il a créé un sous genre de super-héros avec son Kick-Ass mais a aussi déroulé un vrai polar londonien dans son premier film, Layer Cake. Autant d’arguments qui laissent confiant avant de regarder Kingsman.

A la recherche du bon profil pour remplacer son coéquipier mort dans le devoir, l’agent secret Harry Hart trouve dans le fils de son ancien collègue, surnommé Eggsy, un jeune homme plein de talents. Malgré son look débraillé et son accent du ter-ter, c’est à dire loin de la raie dans les cheveux des Kingsmen, il va petit à petit faire ses preuves. Pendant ce temps, l’agent Hart tente de comprendre qui se cache derrière l’excentrique Richmond Valentine, magnat de la technologie, suspecté d’être un terrible vilain aux prétentions machiavéliques.

Relancer le film d’espionnage à l’anglaise n’est pas une mince affaire. Le genre est tellement ancré dans l’imaginaire que la réalité a déjà dépassé la fiction lorsque Daniel Craig, sous le costume de 007, a fait connaissance de la Reine d’Angleterre dans la grandiose cérémonie d’ouverture des JO 2012. Un moment de grâce pour la pop british exposée sous toutes ses coutures. La preuve que les mieux placés pour contrecarrer l’impérialisme culturel américain sont nos voisins d’Albion !

Une chose est sûre, la volonté de proposer quelque chose de frais est bien présente. Sans pour autant nier les traditions britanniques, la modernité se joint au récit comme pour mieux brosser le portrait de toute une culture telle qu’elle est en 2015. Cette confrontation est aussi bien visuelle que scénaristique comme le démontre tout d’abord le look du flegmatique Colin Firth, toujours propre dans de rutilants costumes sur-mesures, face à Samuel L. Jackson qui malgré ses 66 ans, porte les casquettes New Era et les pompes Adidas comme une seconde peau (cheveu sur la langue en prime). Les couleurs chatoyantes donnent un cachet esthétique au film qui contrecarre avec la vision tristounette du ciel londonien et des briques rouges traditionnelles. En somme, voilà la bonne recette pour faire du vieux avec du jeune.

Kingsman c’est aussi à travers son scénario et ses personnages une dose de positivisme qui montre que les jugements et les idées reçues que nous avons doivent être balayées. La mixité sociale peut être une force, l’important ne réside pas dans nos origines mais bien dans les valeurs qui nous sont propres. « On peut juger un homme à ses manières » le dit plutôt justement Harry Hart avant d’envoyer valser quelques malotrus.

Parce que oui, n’oublions pas que Kingsman est avant tout un film d’action qu’il serait même fallacieux de considérer comme étant de l’espionnage. Le guindé Colin Firth, habitué des prestations « nobles » au théâtre ou dans de grands rôles dramatiques, se lâche complétement dans une catharsis imprévue. Lui même le dit, il regrette d’avoir attendu la cinquantaine pour s’éclater au cinéma ! Il faut dire que les deux fois où il devient vert, on assiste à deux scènes d’action d’anthologie. D’abord parce que l’acteur a fait ses cascades mais aussi car la chorégraphie des combats est saisissante. Le rythme tambour battant est marqué par une mise en scène très dynamique, comme un plan séquence où la fluidité des mouvements donne une intensité remarquable à l’action. La moindre pinte devient un objet létal avant qu’un mouvement bien placé assomme le prochain adversaire. Forcément, avec deux scènes comme ca, on reste sur sa faim lors des autres incartades explosives.

L’humour donne une légèreté constante au film, les références sont nombreuses et il y a de quoi garder quelques répliques en tête. Les plus geek d’entre nous predront beaucoup de plaisir à revoir Mark Hamill aka Luke Skywalker dans un petit rôle. Cependant, la « cool attitude » générale va parfois un peu loin en s’aventurant sur les terrains du vulgaire et de la violence gratuite. Bel exemple de mauvais gout avec les premières images d’une attaque commando sous les notes du cultissime riff de Money for Nothing par Dire Straits. That’s the way you do it ?

Enfin, pour être sûr que la sauce prenne et que le spectateur comprenne bien ce qu’il regarde, le casting comprend les têtes un peu trop récurrentes des traditionnels blockbusters anglais qui veulent s’exporter à l’international. En l’occurrence Michael Caine pour le 54752ème tournage de sa filmographie et Mark Strong, devenu le Kad Merad du cinéma british (partout, tout le temps). Tout est relatif, évidemment.

Hommage à la culture british et ses films d’espionnage, Kingsman renouvelle l’image d’un genre que l’on pensait connaitre par cœur. Cette vision chatoyante du flegme britannique se confronte aux réalités du moment entre jeunesse en difficulté, démocratisation du tout-digital et américanisation de nos modes de vie (un dîner d’affaire autour d’un McDo ça vous dit ?). Colin Firth affronte ainsi dans son personnage son antéchrist Samuel L. Jackson qui est finalement la principale attraction du film, toujours drôle et délicieusement parodique. La parodie justement dans laquelle baigne Kingsman devient sur la longueur une petite faiblesse lorsqu’elle tend à la caricature. Néanmoins, il y a suffisamment de bonnes intentions et de bonnes idées pour faire du nouveau Matthew Vaughn une référence dans sa catégorie (le film d’action britannique parodique d’espionnage de comédie à la James Bond).
ZéroZéroCed
7
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le 25 févr. 2015

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ZéroZéroCed

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