L'étrange Noël de M. Jack est encore à ce jour, à mon sens, la meilleure production de Tim Burton. Véritablement réalisé par Henry Selick, ce film d'animation est un incroyable conte manichéen entièrement matière à réflexion sur notre monde ; le réel. Mais dans ce lugubre et merveilleux imaginaire, l'originalité de l'apparence et du caractère des êtres maraudant autour du cimetière est remarquable. Leur capacité à s'émerveiller des choses que les hommes ignorent, au mieux, ou au pire, rejettent, fait à la fois toute leur singularité et toute leur force. Et à ce titre, c'est l'épineuse question de la différence, et de l'intolérance qu'elle suscite, qui est supportée par une fantastique mise en scène des parias qu'on met au ban de la société sous prétexte qu'ils ne correspondent pas aux standards qualitatifs et quantitatifs édictés par la Reine fourmi. Au-delà de ce microcosme, c'est donc toute une réflexion sur le totalitarisme hypocrite qui est menée. Celui façonné par des humains dont l'insatiable soif de faire progresser leur civilisation outrepasse les règles étiques qui pourtant ont fait partie intégrante de sa fondation. Les thèmes abordés en filigrane sont donc on ne peut plus d'actualité, et le demeureront tant que l'homme restera ce qu'il est : en proie à l'erreur, la peur et la haine ; mais aussi la connaissance, la Raison et l'amour ; choses que Burton incarnent et inspirent par l'ingénieux subterfuge d'une pellicule maniée avec brio.