1974, la France va bien, PIB et taux de natalité croissent, les entreprises exportent, le chômage est au plus bas... Les rapports sont sociaux sont tendus, les grèves dures, syndicalistes et milices patronales se défient.
1974, les immeubles lyonnais sont sales, la circulation éparse, les voitures petites, les esprits étriqués.
1974, le cinéma français se réduit à deux formules : la paire de beaux gosses Delon – Belmondo et le duo mélancolique Rochefort – Noiret.
1974, Bertrand Tavernier adapte un roman « dur » de Simenon ; un polar sans Maigret, ni happy end.


Descombes, un petit artisan (Noiret), apprend par la police que son fils unique a tué Razon, vigile et ancien parachutiste. Sidéré, il découvre qu’il ignore tout d’un garçon qu’il a pourtant élevé seul. Pis, ce dernier le fuit. Arrêté, le fiston revendique crânement son geste et récuse toute circonstance atténuante. Accablé, le père tente de le comprendre et de renouer un lien.


Rochefort est un commissaire froid et bienveillant. La moustache frémissante, il sublime un texte parfaitement écrit, goutez plutôt :
- Je vous aime bien M. Descombes (...) Comme on ne comprend rien à ses enfants, vous en êtes la preuve, on essaie de comprendre ceux des autres.
(...)
- Je travaille bien avec vous Bricard (son assistant).
- Mais, vous ne dites jamais comme moi
- Justement (...)
- Il aimait l’art, ce n’est pas l’intérieur d’un ouvrier.
- À moins de considérer le tir à la mitraillette comme un travail manuel, Razon n’avait rien d’un ouvrier.


La nourrice se souvient avoir entendu le gamin déclarer : « Mon père, il n’a pas meilleur homme, tout le monde l’adore. » Noiret, désabusé, lâche : « Tout le monde, oui, mais pas lui... » Alors qu’il pensait tout lui avoir consacré, comment a-t-il pu tout gâcher ?


Descombes est un humble. Cependant, il appartient à cette catégorie de doux qui, poussés à bout, sont capables, sans avertissement, de coup de folie. Jadis, alors qu’il était simple soldat, il a frappé, posément et en public, un officier général incompétent...


Ragaillardi par ce glorieux souvenir, Descombes défie la société, envoie bouler journalistes, pote syndicaliste et commissaire trop prévenant... Après tout, n’est-il pas digne de son fils ! Pourrait-il, lui aussi, abattre froidement un sale type ?

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le 19 avr. 2018

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Step de Boisse

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