Écartelé entre les enjeux du divertissement grand public et la reconstitution historique d’une époque marquée par la suspicion et la duplicité de ses acteurs, Mr. Jones ennuie dans son premier segment et exagère dans son second, ne parvenant jamais à trouver un équilibre propice à l’immersion complète du spectateur.
La réalisatrice aborde une thématique passionnante et peu représentée au cinéma, soit les horreurs que fit subir le stalinisme à l’Ukraine – famine, misère, pression militaire –, mais échoue à lui donner une forme unie et personnelle : le montage rapide qui articule les regards portés par le journaliste sur le blizzard environnant et le mouvement machinal des roues lancées sur la voie de chemin de fer apportent un rythme qui disparaît subitement pour ne revenir que lors du trajet ferroviaire suivant. Les dialogues politiques manquent de nerf et sont filmés avec distance, les scènes de désolation sont, quant à elles, captées de beaucoup trop près, l’objectif manquant de butter contre ces monts de cadavres empilés sur une charrette. Nous sommes tantôt égarés dans une Russie inhospitalière, tantôt pris en otages par la souffrance humaine. Une telle immersion en dents de scie nuit grandement au plaisir de visionnage et condamne le film à n’être que l’illustration de son sujet, au lieu de le faire vivre comme une expérience paranoïaque intense.
En outre, le long métrage ne propose pas de rapprochement pertinent entre le périple de son protagoniste principal et l’œuvre littéraire qu’il inspira, à savoir La Ferme des animaux de George Orwell : tous les passages qui établissent des comparaisons s’avèrent artificiels et s’intègrent mal à l’intrigue. Dommage. Restent de bons comédiens et un thème important.