Avec ses 13 nominations aux oscars, une campagne de publicité assez importante et un réalisateur aussi populaire que Guillermo del Toro, The Shape of water a tout du film événement. C'est donc dans une salle comble, qui laisse peu de doutes sur le succès à venir du dernier film d'un des maître du fantastique, que j'ai pu apprécier La Forme de l'eau.


On suit ici Eliza (Sally Hawkins), une femme de ménage muette au caractère doux qui se retrouve à sympathiser avec une créature humanoïdo-aquatique mystérieuse.
On se retrouve assez vite dans l'univers de l'auteur du labyrinthe de pan et de l'échine du diable, avec cette esthétique gothique/steampunk, ces petites actions du quotidien dépeintes avec tendresse, cet aspect très conte avec ces personnages bien découpés, une action unifiée dans l'espace et le temps, la figure du père et l'ultra-violence extrêmement crue et viscérale.


Je me sens assez tiraillé après le visionnage.


D'un côté, les thématiques abordées et la mise en scène proposent des choses assez intéressantes avec cette photographie absolument sublime, un travail sur la profondeur du noir qui fait ressortir toutes les autres couleurs et cet éclairage subtil qui donne une des plus belles image qu'il m'ait été donné de voir depuis un moment, tout cela soutenu par des décors superbes et une interprétation assez juste des différents protagonistes. On a aussi droit à des élans lyriques d'une beauté enchanteresse qui créent des moments de cinéma habités d'une magie indubitable (la séquence d'introduction absolument sublime, la séquence d’inondation à la Delicatessen et la danse improvisée en noir et blanc à la Fred Astaire resteront un moment avec moi).


Cependant, l'émotion a du mal à se faire ressentir en raison d'un scénario parfois un peu facile. Le contexte des années 50 permet à Guillermo del Toro de traiter de sujets d'actualité au travers du prismes des idées très figées de l'époque comme l'intolérance, le racisme, la place des femmes et la xénophobie. Cependant, j'ai été gêné par l'aspect parfois trop forcé des situations mises en places, qui reproduisent les codes scénaristiques et la mise en condition habituelle du spectateur à la Hollywood. Je pense par exemple à l'interrogatoire forcé pour réunir les personnages principaux sans réelles raisons, à la torture injustifiée que Strickland (Michael Shannon, toujours superbe) fait subir à la créature, ou encore à des relations un peu grotesques où certaines choses auraient pu être plus suggérées que lancées avec d'aussi gros sabots avec notamment des revirement moraux soudain assez peu réalistes du docteur russe et de la collègue d'Elisa. Ce qui m'a surtout dérangé, c'est que les situations étaient le plus souvent bien mises en scène et m'atteignaient aux tripes, mais la justification scénaristique n'était pas toujours pertinente et il aurait suffit de quelques détails expliqués ou de certaines scènes en plus et d'autres en moins pour justifier l'action ou bien suggérer certains éléments de manière moins évidente ou grossière.


La forme de l'eau va donc tout de même au-delà de l’exercice de style, mais pêche par une écriture qui n'atteint pas le pouvoir évocateur de L'Echine du diable ou du Labyrinthe de pan. Cependant, il vaut très clairement la peine de se rendre en salle pour avoir l'occasion de voir certains plans qui peuvent s'apparenter à une peinture vivante. On ne s’ennuie pas et la mise en scène se révèle assez efficace pour que l'émotion arrive tout de même à certains instants grâce à la sensibilité d'Eliza et une image magnifique qui nous emmène loin et arrive à créer des moments de grâce aux temps forts malgré quelques maladresses.

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le 1 mars 2018

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