Pas d'attentes particulières. Le nouveau Guillermo Del Toro m'intriguait pourtant. Sa réputation et ses récompenses le précédaient. Malgré son sens de l'image, je n'ai jamais pleinement apprécié le réalisateur lorsqu'il tente de nous offrir un conte pour adultes (Le labyrinthe de Pan) où le fantastique s'appuie sur un récit secondé d'une morale pleine d'humanité.
Vous reprendrez bien un peu de Blade II ou de Pacific Rim ?
J'ai l'impression que le réalisateur Mexicain ne sera jamais meilleur que lorsqu'il reste un grand enfant s'appliquant à divertir ses congénères. Les armures gigantesques des Jaegers ou le sourire jouisseur et carnassier de Wesley Snipes ne me contrediront pas. Le plaisir est assumé et le divertissement s'apprécie à sa simple valeur, doublé d'un rendu visuel aguicheur là où d'autres auraient tout simplement pondus un long métrage d'action de plus.
La forme de l'eau, oui. Mais malheureusement, on n'en voit pas le fond.
Car la forme est bien présente et encore une fois, Del Toro s'applique à nous séduire par l'image. La mise en scène est fluide, l'ambiance des années 60 sur fond de "Jeune Cinéma" et de libération sexuelle se fait sentir dès les premières minutes du film et l'introduction de cette femme de ménage sourde et fardée d'habitudes est entraînante malgré la petite étiquette Amélie Poulain appuyée par la musique d'Alexandre Desplat. Techniquement, bravo. Il suffira d’à peine quelques instants au réalisateur pour nous permettre de cerner le personnage muet de Sally Hawkins, timide optimiste sachant profiter des belles choses de la vie bien qu’empêtrée dans un quotidien qu’elle échangerait volontiers. Un quotidien en pleine guerre froide qui l’amène à laver les sols d’une installation militaire aux côtés de Zelda, touche d’humour sympathique interprétée par Octavia Spencer. Avec l’excellent Richard Jenkins (formidable dans The Visitor), elle reste à mes yeux l’un des deux personnages véritablement attachants du film. Comme pour Le labyrinthe de Pan, le réalisateur de Mimic s’applique à nous montrer les monstres là où on ne devrait pas les attendre. Michaël Shannon est toujours aussi bon dans ses rôles mais sa prestation ressemble bien trop à celle de l’inspecteur Van Halden dans la série Boardwalk Empire pour saluer le côté glacial d’un militaire obnubilé par sa réussite professionnelle.
Pour ce qui est du point central de l’intrigue, la romance entre cette créature aquatique (souvenirs mis à jour des films de monstres des années 50, on pense à La créature du lac noir) et Eliza, malgré toutes les bonnes intentions du réalisateur, l’ode à la différence véhiculée par cette histoire d’amour éclair ne réussit jamais à dégager autre chose que quelques sourires à cause d’une convenance dans le traitement que tous les atouts visuels n’arrivent pas à transcender. Il y a un manque de nuances dans les personnages et finalement, le déroulement du récit se conforme très rapidement aux attentes que l’on pourrait avoir. Un sens unique qui vient plomber toute la poésie soi-disant onirique que la critique et le marketing nous ont vendu. Car la poésie qui me touche est abstraite, complexe et ouverte, tout ce que n’est pas La forme de l’eau si ce n’est dans son ultime scène immergée.
De plus, la bande originale est omniprésente, ce qui en soit est un choix compréhensible en opposition à nos deux tourtereaux aphones, mais Del Toro en abuse et son utilisation arrive même à desservir ce qui aurait pu être une des plus belles scènes du film en noyant le son d’un tourne-disques dans ce flot discontinu de musique.
Alors même s’il ne s’agit pas d’un mauvais film, même si le propos est optimiste et prône ouvertement la tolérance, il le fait de manière très simplifiée avec, à mes yeux, un manque flagrant d’inventivité à cause de deux héros lisses bien moins intéressants que les personnages qui gravitent autour d’eux. Ni particulièrement touché, ni particulièrement ému ou émerveillé, un torrent de récompenses que je ne partage pas pour une oeuvre qui n'a pas le fond, mais bien la forme de l’eau.