On peut reprocher au film de Guillermo del Toro un scénario pour le moins tiré par les écailles avec cette femme de ménage qui accède comme elle veut à un projet militaire top secret ; on peut lui reprocher des bizarreries ici ou là comme cette salle de bain qui se remplit entièrement d'eau en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire ; on peut lui reprocher ses personnages plus ou moins conventionnels comme la bonne copine black courageuse/complice/et-qui-comprend-tout (en tout cas beaucoup plus vite que cette tête de pioche de Strickland ) ; on peut enfin lui reprocher d'avoir voulu toucher à plusieurs genres - dans le désordre, le fantastique, le film d'espionnage, la romance et la fable - sans complètement nous convaincre sur aucun d'entre-eux.
Mais d'un autre point de vue, on peut aussi lui savoir gré de nous avoir offert avec ce film de nombreuses scènes d'une poésie visuelle assez bluffante à l'image de ce plan séquence introductif dans le rêve aquatique d'Elisa ; d'avoir réinventé ce monde très cinématographique des années 50 emprunt de grosses bagnoles américaines, de comédies musicales et de menace soviétique où se côtoient espions venus de l'est et scientifiques carrément à l'ouest ; d'avoir joué avec plusieurs thématiques associées à celle du monstre comme le droit à la différence (références à 'Elephant Man avec son dresseur bourreau ou La Belle et la Bête dans la scène de danse) ou la réinvention du langage ( Cf à Tarzan/Jane) et enfin d'avoir alimenté la dimension parodique du film avec quelques traits d'humour bien décalés (pauvre chat Pandore ^^).
On peut aussi reconnaitre au réalisateur mexicain - à la suite d’ailleurs de ses précédents films - un véritable savoir faire dans la fabrication de personnages imaginaires. D'abord avec ce colonel Strickland, incarné par un Michael Shannon plus Boriskarloffien que jamais. Un personnage à forte mâchoire qui lorsqu'il cric-craque-croque ses bonbons à la menthe, n'est pas sans rappeler le Jaws des James Bond de la "belle époque" mais aussi le pasteur de la Nuit du chasseur que ce soit dans sa propension à évoquer des épisodes de la Bible ou avec ses doigts qui puent la mort/la haine à défaut de sentir le poisson. Ensuite, avec cette drôle de créature à la fois aussi laide que sa cousine du Lac Noir mais avec la plastique et l'élégance de l'Abe Sapien d'Hellboy...et dont les yeux de merlans frits nous feraient presque regretter d'avoir avalé le poisson pané de la cantine vendredi dernier !
Un film inégal mais inventif et généreux.


Personnages/interprétation : 7/10
Histoire/scénario : 6/10
Réalisation/mise en scène : 9/10


7.5/10

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le 26 févr. 2018

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Theloma

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