Depuis qu’il a été récupéré par Hollywood, Guillermo del Toro aime à alterner grosses productions et films plus personnels. Cela n’empêche pas les premiers d’avoir régulièrement certaines effluves des seconds (« Hellboy »), l’inverse étant moins vrai. Le voilà qui revient avec « La Forme de l’eau » qui semble synthétiser le meilleur des deux. En effet, il propose une histoire pour le moins originale et loin des conventions en vigueur mais qui développe cependant tous les aspects du film à Oscars, donc du divertissement mainstream, quand bien même on n’est pas du tout dans le blockbuster à la « Pacific Rim ». Son histoire d’amour contre nature entre une muette et une créature au sein d’un laboratoire scientifique mélange énormément de genres, de thématiques et d’inspirations diverses dans un ensemble d’une cohérence pourtant évidente et tout à fait plaisante. Mais surtout, c’est un film qui ressemble en tous points à son réalisateur, qui semble là s’être fait plaisir tout en n’oubliant pas son public.
Il y télescope tout ce qui a pu faire le sel de son cinéma. Son amour pour les bestioles est incarné à merveille par cette homme-poisson qui incarne un hommage pertinent aux films de séries B , « L’étrange créature du lac noir » en ligne de mire et en premier lieu. Et il érige en héros des personnages tous porteurs d’un handicap pour l’époque, qu’il soit physique (une muette) ou social (un vieil homme gay et une femme black). Comme dans la plupart de ses œuvres plus intimes, il inscrit son film dans l’histoire, ici la Guerre froide (après le franquisme pour « L’Echine du Diable » son plus beau film, par exemple). Tous ces éléments à priori disparates s’emboîtent comme par magie devant la caméra du cinéaste pour un long-métrage qui ne ressemble à aucun autre. D’ailleurs, sa mise en scène est exemplaire voire virtuose. De l’utilisation de fabuleux décors rétro à l’emploi de toutes les possibilités visuelles en rapport avec l’eau et la palette de couleurs qui va avec (des verts aux bleus), il nous gâte les yeux dans une somptueuse réalisation, fluide et empreinte de magie.
Si cette histoire pour le moins étrange aurait pu souffrir d’un manque de crédibilité ou de ridicule, il n’en est jamais question. Pour contrer cela, il l’enrobe d’un emballage féerique où il emprunte à tous les codes du conte de fées (« La Belle et la Bête » en premier lieu), il parvient à rendre à la fois fantastique et tangible tout le petit monde qu’il a imaginé. Parfois l’émotion manque, remplacée par l’émerveillement et on a l’impression que tout cela est un peu trop fabriqué. Il y a une sorte d’adoration maniaque de la part du cinéaste pour tout son barnum, de l’hommage appuyé à un certain cinéma révolu en passant par des séquences trop appuyées (comme dans celle de la comédie musicale où on pense à « La La Land »). Mais ce manque de sincérité apparente est gommé par la magistrale réussite d’un film vintage et à la promesse artistique tenue de bout en bout. Si on n’est pas aussi conquis que par « Le Labyrinthe de Pan », le casting impeccable et le bon moment que l’on passe à suivre cette histoire d’amour pas comme les autres font le reste.
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