Plus nettement "inspiré" du génial "Memories of Murder", tant par son thème que par son traitement politico-social, que de "True Detective" (une étiquette qui attirera forcément plus le chaland), "la Isla Mínima" est un film certes singulier, mais qui épuise vite sa crédibilité en multipliant les effets branchés (générique à la Arthus Bertrand, musique planante envahissante), en délaissant ses personnages principaux réduits à des clichés mutiques qui n'évoluent pas durant tout le film, et en bâclant finalement l'aspect thriller de son scénario. Hormis une ou deux scènes au pouvoir de fascination indéniable - comme la très belle poursuite en voiture dans la nuit -, où réside donc le véritable intérêt de ce film qui a raflé tous les Goya de l'année en Espagne ? Tout simplement dans l'analyse politique plutôt fine de la période post-franquiste, alors que les nouvelles idées peinent à arriver aussi bien dans une province isolée d'Andalousie que dans la tête des protagonistes, même venant de la capitale : ce constat, dur, voire désespérant, d'une Espagne engluée dans la pauvreté, l'injustice sociale, les comportements rétrogrades, a touché le spectateur espagnol parce qu'il est impossible de nier que le film pourrait se passer en 2015, dans l'Espagne actuelle dévastée par une crise profonde et une corruption endémique, et rester tout aussi pertinent. [Critique écrite en 2015]