Le film mérite 5-6/10, mais je mets 4 pour que ma critique soit classée comme "négative".


Malgré une ambition folle, La La Land trop embrasse et mal étreint.
Plus qu'un film ayant une âme, j'ai vu une succession d'exercices de style qui jamais ne m'ont subjugué.
Le hasard a en plus voulu que je visionne Les Parapluies de Cherbourg cette semaine, ce qui me fait une comparaison fraîche avec l'inspiration évidente de ce film.
Un hommage multiple fait-il un bon film ? Pas si sûr.


Une comédie musicale ?


La La Land se place plutôt à proximité des Parapluies au niveau de la faiblesse globale de la bande son. Les chansons sont peu nombreuses, souvent gratuites, et ô combien oubliables.


Avant de râler, essayez de comprendre mon point de vue. Dans Chantons Sous la Pluie, Good Morning, ou Singing in the Rain rentraient en tête, les notes simples et enjouées s'imprimaient et se répétaient inlassablement une fois le film terminé, chansons immortelles dont on ne se souvient pas comment elles finissent. Elles pourraient de répéter à l'infini. Dans les Demoiselles, la chanson de jumelles faisait le même effet, tandis que dans la quasi-marche militaire "Chanson d'un jour d'été" combinant glamour des robes fendues sur une place de marché pour vendre des motos (et ça c'est génial quand on y pense), les soeurs Garnier faisaient battre du pied.
Dans La La Land, les musiques sont gentilles; le thème principal, rabâché jusqu'à épuisement est indolent, et les quelques notes de piano, bien qu'émouvantes, ne restent pas l'heure suivante, balayées par les bruits du quotidien. Quel dommage. On n'atteint même pas là la grandeur triste et prenant de l'unique thème des Parapluies.


Malgré leur aspect travaillé et bien réglé, les chorégraphies sont un peu faiblardes (on les rattrape par des couleurs vives et des illusions de plan séquence). Prenons par exemple la jolie scène de coucher de soleil. j'ai ressenti plus de tension de la part des acteurs à ne pas se tromper que d'alchimie et de "danse qui exprime des émotions qu'ils ne sauraient plus contenir autrement".
Car j'ai beau me laisser convaincre, après toutes ces années, que Ryan Gosling s'améliore (ou qu'il choisit mieux ses rôles), et je les trouve mignons, les deux petits, à l'écran mais il n'est ni Gene Kelly ni Fred Astaire; alors en tant que comédie musicale, la danse est limitée, et la musique oubliable. C'est dommage.
Pourquoi gratuites ?
Prenons l'exemple de l'ouverture des Demoiselles. Les forains arrivent à Rochefort et se lancent dans un ballet. Cela a un sens : l'insouciance arrive et va contaminer la ville pour quelques jours de fête et rappeler à nos héroïnes que le départ et l'itinérance sont possible.
Quel intérêt narratif pour la scène des voitures ? Pas grand chose sinon une mise en scène méta : le spectateur, comme tout être humain, a envie de s'affranchir des impondérables pour au final revenir à sa vie bouchée ? C'est un peu une queue de poisson si c'est là la démarche du réalisateur. Plus vraisemblablement, il voulait faire une scène d'ouverture pour faire une scène d'ouverture.
La scène dans les étoiles vous a ravi ? Elle ne m'a pas autant touché que Satine et Christian au dessus du Moulin Rouge de Baz Luhrmann, qui combinait onirisme, symbolisme et romantisme.


L'histoire
Déjà, ce qui m'a un peu navré, c'est l'absence d'enjeu sur la première heure de film.
Sorties entre filles, vacuité des soirées hollywoodiennes, le rapprochement... Quelque part, sur cette partie là, Clueless était bien plus divertissant.
Ce qui marche dans les comédies romantiques, c'est les embûches qui se mettent sur le chemin des futurs amoureux. On sait qu'ils vont se mettre ensemble, mais on ne sait pas comment, le film nous balade, joue avec nous.
Ici, on attend passivement que les deux se mettent ensemble, tout va visiblement bien.
Du coup, je ne me suis pas attaché au couple dans une partie qui aurait dû être consacrée à ce lien entre spectateur et personnages, puisque sans implication, la deuxième partie tombe à l'eau.
Puis finalement, un élément perturbateur arrive, le changement de carrière de Sebastian. C'est donc au bout d'une heure vingt de film que j'ai alors commencé à être engagé émotionnellement. Je suis un garçon sensible, c'eut été possible en 15 minutes et de me faire chialer à la fin, tu sais.


Qu'une comédie musicale ne soit pas que joie et perfection, on s'y est habitués. Lars Von Trier rendit un hommage sublime et sordide à la perfection des comédies musicales comme fuite d'une réalité implacable, avec son Dancer in the Dark, tandis qu'à Cherbourg, 2 générations plus tôt, Geneviève et Guy avaient déjà appris que parfois, il faut écouter sa raison, ranger son coeur dans un placard et ne plus ouvrir la porte.
Une fois ces deux références en tête, La La Land perd de son originalité et de sa transgression, mais le message reste intéressant.
Faut il faire des compromis au point de sacrifier ses rêves ? Doit-on laisser l'autre se dévoyer et abandonner ses passions ?
Sebastian est sur le papier un personnage émouvant, qui pousse Mia à ne pas se rabaisser à faire des pubs de chewing-gums, mais au contraire, à exprimer tout son potentiel quitte à sortir de sa zone de confort. Il est même prêt à sacrifier ses rêves et à lui-même faire se prostituer artistiquement juste pour elle (et sûrement parce qu'il a peur de l'échec, et c'est pour cela qu'il trouve toutes les excuses du monde pour ne pas réussir, mais c'est là de la psychologisation des personnages que nous ne devons pas faire); cependant, là encore, les enjeux ne m'ont pas convaincu. Ils sont beaux ils sont talentueux, et malgré des difficultés, ils réussissent et sont condamnés par le film à réussir. Même s'il fait du synthé, le groupe est populaire. Il est loin le De Niro alcoolique dans New York New York. Alors oui, on n'est pas obligé d'aller aussi loin, mais le film aurait pu être un peu moins lisse (ne serait-ce qu'en utilisant un peu les personnages secondaires) car de toute façon, ils allaient réussir à atteindre un certain niveau de bonheur. Soit en étant heureux ensemble et en transigeant, soit en se séparant et en accomplissant leurs rêves respectifs. A aucun moment ils n'échappent à une vie de détresse et de frustration, et du coup, en refusant d'être un feel-good movie tout en refusant d'explorer les possibilités dramatiques qu'offre le cadre d'Hollywood et des rêves déchus, La La Land se terre dans une histoire sans passion.


Style
Oh que de références, une vraie déclaration d'amour du réalisateur pour tous ses prédécesseurs. Et oui, ça fait plaisir de voir le petit avion sur le globe, ou tous ces petits détails.
Je pense qu'il s'agit du plus réussi dans le film, cette atmosphère de carton-pâte et de fake assumé. Rien n'est réel, tout est façade.
Et ?
On en fait quoi ? Qu'est ce que ça rajoute à l'histoire, aux personnages ?
C'est très joli, mais c'est un peu comme faire du name-dropping (genre mes références à d'autres films, dans cette critique pour faire genre je m'y connais grave), ou comme l'étalage de connaissances inutiles dans l'Elégance du Hérisson. Ca fait illusion qu'on est en face de talent, mais c'est juste de la fioriture, de l'esbrouffe.
Mais c'est esthétiquement plaisant. Parfois un peu criard pour moi, mais j'accepte le parti-pris du film. (même si je préférais les pastels de John Waters et de son Hairspray ou du Edward Scissorhands de Burton car ils servaient à contraster avec des critiques sociétales).


Bref, on a un film esthétiquement agréable, avec une ambiance plaisante et une romance douce, mais qui veut faire croire qu'elle est bien plus profonde que cela...
Bon... Je ne dirais pas que j'ai perdu 2 heures, mais avec tout le remue-ménage, j'espérais mieux.

Escrivaillon
4
Écrit par

Créée

le 28 juil. 2017

Critique lue 295 fois

1 j'aime

Escrivaillon

Écrit par

Critique lue 295 fois

1

D'autres avis sur La La Land

La La Land
blacktide
9

Le crépuscule des rêves

Comment pouvais-je me douter que le slogan « Plus de passion, plus d’émotions » de mon interminable attente allait esquisser mon jugement quant à l’inévitable fascination prédestinée à ce rêve de...

le 8 févr. 2017

162 j'aime

35

La La Land
Velvetman
7

One from the Heart

C’est comme un ogre qui dévaste tout sur son passage ou un rollercoaster qui aplatit la moindre parcelle de bitume : le dernier film de Damien Chazelle, et la hype qui l’entoure, sont connus de tous...

le 21 janv. 2017

160 j'aime

4

La La Land
Gothic
8

Il faut sauver le sol de Ryan

Damien Chazelle ne s'est pas doré la pilule. Car la véritable performance avec son La La Land, c'est d'avoir donné le la en mettant facilement tout le monde au sol et au diapason, pour un résultat...

le 5 févr. 2017

123 j'aime

19

Du même critique

Sailor Moon
Escrivaillon
6

6/10 = VO

A la base, l'animation est mauvaise, et la construction schématique des épisodes toujours identique (ce qui permet de faire v'là les économies en refoutant les mêmes 8 minutes de transformations,...

le 21 nov. 2010

14 j'aime

Auprès de moi toujours
Escrivaillon
9

9/10 pour la VO

Quand j'ai découvert ce livre, je me suis tellement emballé qu'au noël suivant je l'ai offert à 3 amis, mais en français. Ils n'ont pas accroché. J'ai alors essayé de le lire en français, et...

le 23 déc. 2010

13 j'aime

1

Baywatch : Alerte à Malibu
Escrivaillon
6

Le plus beau rôle de Zac

Je détestais ce film avant sa sortie. Je détestais la série. Je ne voulais pas le voir. Et puis un soir d'ivresse,sans rien à faire, trop flemmard pour me lancer dans M le Maudit ou le Cuirassé...

le 21 juil. 2017

11 j'aime

1