Un prêtre (Demián Bichir) et une postulante (Taissa Farmiga, sœur de Vera) sont déléguées par le Vatican dans un monastère perdu dans les montagnes de Roumanie, où une religieuse s'est suicidée. Rapidement, les deux enquêteurs vont se rendre compte que le monastère est habité par une présence pas très catholique...


Décidément, les déceptions du premier instant méritent toujours un deuxième visionnage, La Nonne comme beaucoup d'autres.
Bien sûr, il y a quelques défauts insurmontables qui subsistent, mais pourtant, je dois dire que la surprise fut de taille pour moi, lors de cette redécouverte. Déjà, ce qui frappe... cette mise en scène, quoi ! Après Conjuring 2, je pense qu'on a là le deuxième plus beau film de la saga, c'est juste hallucinant. La photographie de Maxime Alexandre, déjà à l'œuvre sur Annabelle 2, regorge de trouvailles visuelles franchement géniales, que ce soit pour créer la frayeur (de temps en temps) ou pour créer (quasiment toujours) une atmosphère unique, gothique à souhait, un peu comme si on avait enfin trouvé un giallo qui ne soit pas un film au rabais. Visuellement, La Nonne est donc une pure pépite, d'une beauté baroque, créant sa propre poésie, une très belle poésie que beaucoup de films soi-disant d'épouvante pourraient lui envier...
Corin Hardy emprunte à ses ancêtres de la Hammer ou d'Italie pour les citer constamment dans son film. Et c'est là où je pense que tout le monde (y compris moi lors de ma première vision du film) a mal compris La Nonne : alors même que tout ou presque dans le film est fait pour se défaire absolument de la comparaison avec Conjuring (hormis la scène d'intro et la scène de fin, qui font le lien), il y a encore des gens qui réussissent à dire que ça y ressemble trop... Expliquez-moi, là. Certes, il y a quelques effets qui y ressemblent (longs mouvements de caméra qui finissent sur un jumpscare), mais il y a ici une atmosphère gothico-mystico-gore, qui est à des lieues des films de James Wan.
Là où Wan fait toujours dans la suggestion, Corin Hardy choisit la frontalité des films de monstres ou de zombies (ce que La Nonne est en réalité, bien plus qu'un film de démons), et en fait, c'est une idée brillante. D'une générosité absolue - excessive, même -, le film devient alors une anthologie de l'horreur, un film-somme, un véritable train fantôme épouvantable, qui nous entraîne pour un fabuleux tour de manège, éblouissant et toujours ludique. Et même en choisissant de tout nous montrer, le réalisateur réussit à créer de purs moments de frayeur, grâce à la caméra affûtée d'Alexandre et à une maîtrise assez exceptionnelle de son décor.


Il faut tout de même bien reconnaître que si La Nonne est un film incroyablement cinégénique, il est fort dommage que la beauté visuelle du film se fasse au détriment de son scénario et de sa cohérence. Ses détracteurs ont malheureusement plutôt raison, le film de Corin Hardy est bien mal écrit. Ses personnages agissent de manière bête ou incohérente, un (pourtant bon) twist sort de nulle part, créant une foule d'incohérences assez étonnante (sur laquelle on ne s'étendra pas, toutes les critiques à charge ont bon), et le démon Valak semble avoir perdu tout le génie malsain qui l'animait dans Conjuring 2, tant son absence totale de plan cohérent nous fait nous demander plusieurs fois quel est son but... Là, oui, le bât blesse, et on regrette sincèrement qu'un film aussi bien réalisé et aussi magnifique, soit aussi mal maîtrisé dans sa progression narrative.
Et si la frontalité de Hardy peut être une grande qualité, menant La Nonne sur des terrains inattendus et insoupçonnés, elle révèle tout de même ses limites dans une demi-heure finale qui part un peu trop loin dans son délire, quand bien même le ton du film conserve, lui, une forme de cohérence remarquable, jusque dans ses dernières minutes.


La Nonne ressemble donc bien plus à une série B, où l'écriture est laissée de côté, pur prétexte à la mise en scène de séquences horrifiques et d'aventures complètement folles. D'aventures, oui, car finalement, le film de Corin Hardy est tout autant un film d'aventures qu'un film d'horreur, on en retrouve toutes les caractéristiques, jusque dans l'expédition vers le trésor avec ses énigmes, qui entame le dernier acte du film.
Et si la plupart des esprits chagrins ont préféré entamer le refrain trop habituel du "oh, bah c'est nul, ça fait pas peur", l'auteur de ces lignes a pour sa part bien changé d'avis. Si la frayeur n'est évidemment pas aussi poussée que dans Conjuring 2 (un chef-d'œuvre inatteignable), La Nonne est toutefois un film d'épouvante et d'aventures bien trop généreux pour qu'on puisse ne pas être sensible au magnifique effort qu'il fait.
Très imparfait sur le fond, La Nonne nous propose un voyage qui s'éloigne tant des terres de Conjuring, tout en en reprenant certaines recettes, qu'il ne peut que se révéler très déconcertant. Les uns seront déçus, mais les vrais, eux, sauront voir la beauté de ce geste puissamment cinéphile qu'accomplit Corin Hardy sous leurs yeux émerveillés, et où l'horreur et la poésie vont plus de pair que jamais. Chapeau.

Tonto
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le 31 mai 2021

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Tonto

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