La vérité si je mens a l’image d’un film caricatural, une comédie franchouillarde qui s’appuie de façon trop grossière et folklorique sur la communauté juive du Sentier. Dans une certaine mesure, il y a du vrai dans cette assertion, cependant il faut de suite trouver la juste nuance : c’est un bon film.


Certes, la caricature n’est pas loin, mais le scénario de Michel Munz et Gérard Bitton s’en amuse. Il reste toujours respectueux. Je dirais même que l’on sent de l’amour, de l’affection pour ses personnages, cet univers plus ou moins clos sur lui même.


C’est d’ailleurs toute la question du film : l’est-il réellement? N’a-t-il pas plutôt cette capacité d’ouverture en dépit d’une culture a priori cloisonnée. Par conséquent, il est injuste de parler de grossièreté pour un film qui cherche à montrer avec le rire combien cette communauté est résolument ouverte malgré le respect de la tradition, de la culture familiale très forte. Le personnage incarné par Richard Anconina malgré sa “goyitude” parvient à s’intégrer. La sincérité des sentiments l’emporte.


Certes aussi le comique du film s’appuie d’abord sur le pittoresque des personnages, leur côté outrancier, poussé à l'extrême (définition de la caricature), on ne peut le nier, mais cela est toujours fait avec beaucoup de bienveillance. Cela veut susciter l’empathie. Et ça marche! Les personnages sont attachants, drôles dans leur exubérance, charmants par leur grande générosité.


Et les comédiens sont excellents. Thomas Gilou avait besoin de ces talents là, de leur enthousiasme et de leur évidente complicité. Cela se sent, cela se voit. Le film est transporté par la joie des acteurs à jouer ensemble. La vérité si je mens est ainsi un formidable film de troupe. C’est jubilatoire.


Même l’habituel taciturne Richard Anconina parvient à se dérider progressivement. Il est tout en équilibre, balançant entre son mensonge et la sincérité de ses sentiments. Délicat dilemme porté avec efficacité par le comédien.


Parmi le reste de la distribution, j’ai une grande affection pour Bruno Solo, qui date du temps préhistorique de ses couillonnades potaches avec Yvan Le Bolloc’h sur Canal. Il est depuis devenu un comédien confirmé. Ce film a été l’un des premiers à mettre en avant ses talents. Il est ici sympathique, plein de verve, avec un oeil toujours rieur et communicatif, parfaitement à son aise. Il est très agréable à voir évoluer parce que son jeu se révèle très juste.


J’aime beaucoup également José Garcia, lui aussi ayant percé sur Canal aux côtés d’Antoine de Caunes sur Nulle part ailleurs. J’aime José Garcia pour exactement les mêmes raisons que celles de Bruno Solo : entrain, effervescence, mais surtout sûreté du jeu, très fort.


Enfin j’ai une grande admiration pour Gilbert Melki. Il y a chez cet acteur quelque chose de magnétique. Cela doit être ce qu’on appelle le charme. Son débit est posé avec puissance et netteté, qualités vitales pour son personnage. Ah si j’avais à virer ma cuti, j’avoue que ce serait volontiers pour cet animal-là. Il émane de lui une belle complexité, alliant virilité et féminité, sans qu’il y ait la moindre ambiguïté d’ailleurs, en tout cas une richesse sensible qui donne à ses rôles une densité peu commune. Et aussi étrange que cela puisse paraître, j’estime qu’elle sert son personnage dans La vérité si je mens, aussi bien que dans les autres films de sa filmographie. Il est tellement bon qu’il l’est aussi bien dans la comédie que dans le drame. Il me fait penser à ces touches-à-tout, comme Michel Serrault par exemple.


Je voudrais également mentionner la courte prestation d’Elie Kakou. Il est une figure du paysage comique français des années 90. Quand j’étais gamin, même si je n’étais pas particulièrement un grand fan, j’appréciais ce physique, cette voix si distinctifs. Le revoir dans ce film est très plaisant. Sa performance aussi bonne soit-elle est surtout très efficace et sert bien le film.


Chez les femmes, je suis moins porté à l’applaudissement. Non que les comédiennes soient mauvaises, loin de là, mais c’est vrai, il faut l’avouer, La vérité si je mens est tout de même davantage un film de mecs, un film de groupe, mais très masculin. Les femmes sont bel et bien présentes, ne sont pas non plus accessoires, seulement, elles ont beaucoup moins de matière pour montrer l’étendue de leur talent. Les enjeux de solidarité se révèlent chez les hommes, les femmes navigant dans une autre sphère.


Sans doute le meilleur de la série, même si les films suivants ne sont pas mauvais, ce premier film a le net avantage d’être libre et spontané. Sa vivacité, son allégresse exaltent le meilleur de son casting et produisent un spectacle réjouissant : une très bonne comédie française.


captures et trombinoscope

Alligator
7
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le 23 nov. 2012

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Alligator

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