Parfois, on ne sait plus très bien qui l'on est, et on revoit des films qui vous ont profondément marqués. C'est ce que je viens de refaire avec "Le bon, la brute et le truand".
Inutile de faire ici un commentaire élaboré du film. Je tiens à dire ce qui m'a marqué à cette revision, qui ne sera probablement pas la dernière : ce film n'est pas un western. Je sais, il y a des flingues, des chapeaux, une dilligence, des scènes de pendaison, des extérieurs superbes, un duel hors-norme, mais non, ce n'est pas un western, pas dans la narration.
D'abord à cause des références à la guerre : la première guerre mondiale avec la scène du pont ; la deuxième avec la séquence du camp de prisonnier.
Ensuite par l'introduction des personnages, et la manière dont ils sont développés. Les sous-titres avec arrêt sur image ("le bon", "la brute", "le truand") crée une distanciation avec les personnages. Bien que l'on s'identifie à eux, ils sont montrés comme des créatures qui se débattant dans un univers absurde, en essayant d'imposer leur marque. Le film s'efforce de développer ces personnages, même si Tuco a visiblement droit à un traitement de faveur.
Ensuite par la violence. Elle est ici très intérieure, ce qui est magnifique. On se croirait dans un film de Melville lors de la scène d'introduction de Sentenza venant visiter un paysan sur lequel il a un contrat. Sa démarche lente, son regard de faucon qui ne lâche pas sa proie, sa manière vulgaire de manger au couteau, comme un paysan, tout annonce un être fruste, entier, sans morale.
Surtout, le cynisme, l'absence de sens de la communauté, l'élargissement hors du cadre de l'ouest américain de la réflexion empêchent d'en faire un western. C'est davantage une réflexion sur l'Amérique, qui fait davantage penser à un roman hard-boiled qu'à un
Autre chose : le film pâtit peut-être un peu de la présence si forte de Tuco. Wallach est à la fois le personnage central qui porte le film sur ses épaules et aussi celui qui prend le plus d'espace. On aurait aimé que Sentenza soit un peu plus développé. Par exemple, comment se fait-il que Tuco, dans le camp de prisonniers, reconnaisse Sentenza sans qu'ils aient eu une scène commune auparavant ? Ils ont visiblement un passé commun, mais nous n'en sauront rien. Force et faiblesse du film.
Et sinon, que dire ? C'est un chef d'oeuvre plastique à tous points de vue. Il y a juste la séquence dans le désert (la deuxième) que je trouve un peu trop longue (il fallait coller avec le morceau de Morricone, j'imagine).