Aaron Sorkin n’est pas un réalisateur, mais un scénariste et un dramaturge. Cela se ressent à la vue de son premier long métrage, beaucoup trop écrit et bavard pour convaincre ou même intéresser. La voix off de Molly Bloom, d’abord percutante, finit par agacer, recouvre le film de logorrhées interminables et surtout platement illustratives : les sauts elliptiques faits par la voix de Molly sont des leurres, des cache-misère dont l’unique intérêt est de densifier un récit sinon fort plat et prévisible. Sorkin a vu la saga Ocean’s et essaie, tant bien que mal, de reproduire la dynamique Steven Soderbergh, le talent en moins : plans courts, montage incisif et rythmé, chansons omniprésentes, légèreté de ton. Le souci, c’est qu’en appliquant des recettes déjà connues, le film oublie l’essentiel, à savoir faire du cinéma. Car aucune vision personnelle ni artistique n’émane de cette immersion dans le monde du poker illégal ; en lieu et place, des scènes voulues incisives mais qui, mises bout à bout comme sur le tapis d’une chaîne d’assemblage, exhibent malgré elles leur origine industrielle. Le Grand Jeu endort et agace. On est loin, bien loin de Casino…