Je crois vraiment que Hong Sang-Soo, réalisateur que j'ai longtemps boudé est en train de devenir l'un de mes réalisateurs préférés. En fait son film Grass m'a donné les clés pour bien comprendre son œuvre. Je pense qu'il faut le voir comme ça, comme l'héroïne de Grass, on est assis dans un café et on écoute une conversation qui ne nous regarde absolument pas, on regarde la scène, on comprend de quoi il en retourne au fur et à mesure des indices laissés par les dialogues et pas immédiatement. On ne juge pas les personnages, on garde une certaine distance (même dans les plans les plus raprochés) et on les voit évoluer, on voit la relation évoluer, on voit la conversation évoluer, mais toujours avec une profonde bienveillance.


Et là, pour Le jour d'après, ça fonctionne parfaitement. On suit donc les déboires amoureux d'un homme qui a la cinquantaine et on va successivement le voir avec sa femme qui suspecte que son mari a une liaison, avec sa maîtresse, avec sa nouvelle employée. Dans chaque séquence on a deux ou trois personnages qui discutent, rien que ça, et qui font tenter de connaître, de convaincre l'autre. Et ce que j'aime là dedans, c'est que Hong Sang-Soo ne se limite pas juste à l'essentiel, aux dialogues utiles à la très légère intrigue du film. Non, il donne, comme à chaque fois, la part belle aux réflexions, aux pensées de personnages, le tout avec sa mise en scène composée de longs plans quasiment fixes (avec quelques zooms pour isoler un personnage dans le cadre), ce qui permet même en gardant ses distances de donner du corps aux personnages. On apprend vraiment à les connaître, savoir ce qu'ils veulent, ce qu'ils aiment, comment ils voient le monde... et vu que chaque personnage est développé, on s'attache à eux, on comprend leur point de vue et bien qu'on est tenu à distance, tout en pudeur on peut malgré tout se permettre un peu d'empathie pour ces gens.


Bref, je trouve ça juste fabuleux. Et j'aime vraiment cette mise en scène qui ne te dit pas quoi penser, qui domine qui, qui est gentil, qui est méchant... cette absence de jugement est réellement salvatrice.
Puis il y a ce petit côté enquête, pour savoir de quoi il en retourne, vu que les enjeux ne sont pas explicités, on cherche à savoir qui est qui, qui veut quoi, ça oblige à s'intéresser à ce que l'on regarde, aux personnages.


Je suis conquis.

Moizi
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le 26 févr. 2020

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Moizi

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