Comme beaucoup, j’ai découvert Asghar Farhadi avec Une séparation, qui avait bénéficié d’une publicité méritée en remportant le César et l’Oscar du meilleur étranger. Un film poignant, pour ne pas dire bouleversant, qui m’avait marqué et me donnait une bonne raison d’attendre son prochain. La présence de Bérénice Béjo et le risque de tourner en français m’avaient laissé un peu sceptique, mais une nouvelle fois la critique était conquise, de quoi y aller serein.

Si vous suivez ce blog depuis quelques temps, vous aurez pu lire ma critique de The Artist qui fut aussi sévère que la déception, et dans lequel Béjo m’avait passablement irrité. Peut-être n’était-elle pas aidée par la direction d’acteur de son mari, peut-être était-ce cette intention un peu ridicule de surjouer "comme dans un muet", mais ce n’était pas ça. Sans surprise, elle joue bien mieux chez Farhadi, elle est même très convaincante dans un rôle plus complexe que ses quelques derniers. Ce qui était la grande qualité d’Une séparation se retrouve ici, à savoir des personnages très bien écrits qui gagnent en épaisseur tout au long du film, pour devenir bien moins lisses qu’il ne pourrait y paraître au début.

L’histoire va de pair avec cette évolution des personnages, chaque fois qu’on pense avoir compris ou en savoir assez sur un point précis, de nouveaux développements arrivent, bousculent nos préjugés et nous forcent à prendre encore un peu plus de recul. Je ne peux m’empêcher de faire l’analogie avec un personnage qu’on découvrirait en très gros plan, et à travers un long dézoom on le découvre dans son entièreté, on comprend mieux ce qui l’entoure et en quoi ça l’a influé, et les différentes pièces du puzzle se mettent en place. Ou tout simplement, une démonstration de pourquoi les premières impressions ne sont pas "toujours les bonnes", tant il est difficile de juger quelqu’un sans le connaître.

En cela Tahar Rahim est parfait, ne nous donnant pas l’air de quelqu’un de bien dégourdi au premier abord, mais sans jamais tomber dans la caricature. Farhadi arrive à capter l’essence de chaque personnage et à les faire vivre sans qu’ils en fassent trop ni qu’ils empiètent les uns sur les autres, il nous met simplement face à des situations désagréables mais tout ce qu’il y a de plus banales en même temps. Même s’il laisse moins place à l’improvisation, on pourra penser à du Pialat en plus lumineux, dans le fait qu’il semble toujours laisser une place à l’espoir et à l’humanité des personnages, sans verser dans la sensiblerie de bas étage.

C’est sans doute cette universalité des sentiments et des blessures qui fait que ses films sont autant appréciés alors qu’ils pourraient être vus comme le cliché du film d’auteur barbant. Bien sûr, on ne conseillera pas ce film pour une sortie entre potes qui veulent se marrer un coup au cinéma, mais il est un très bon exemple de ce qu’on peut faire de passionnant en drame familial "classique". Une fois cela dit, difficile d’ajouter quelque chose qui ne soit pas redondant et sans spoiler, ce que je ne voulais pas faire pour justement inciter les curieux à aller le voir. En plus, les retournements de situations sont bien mieux que dans Trance (oui je ne savais pas comment finir, mais chut).
blazcowicz
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le 29 mai 2013

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blazcowicz

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