Pour le titre, j'hésitais entre celui-ci et "Plus moche la vie", mais j'ai vite trouvé le second trop sévère par rapport à la note attribuée.
Le Passé attise la curiosité d'un bon nombre de cinéphiles en ces temps de festival. Bérénice Bejo et Tahar Rahim arpentent les plateaux télés. Les médias ne cessent de marteler l'arrivée du nouveau film d'Asghar Farhadi, ce réalisateur iranien à l'origine du film "Une Séparation", qui fut accueilli chaleureusement par la critique et le public réunis.
Alors, en y ajoutant cet alléchant casting, je préfère vous dire qu'on l'attendait ce film.

Ayant moi-même beaucoup aimé "Une Séparation", et face au refus ferme de mes compagnons d'aller voir "L’Écume Des Jours", me voilà parti pour voir "Le Passé".

Et pour synthétiser, Asghar Farhadi semble avoir décidé de renouveler la recette. La ressemblance est perceptible dès les premiers instants du film, où la séparation des deux protagonistes est symbolisée par cette vitre à travers laquelle ils communiquent. Le sujet traité, ou plutôt l'un d'eux semble donc être le même.

Mais en réalité, bien au delà de la séparation d'un couple, "Le Passé" met en œuvre une famille prise dans son ensemble face à des problématiques inextricables. On peut parler d'une part des problématiques "standards" d'une famille recomposée (à savoir celle de l'acceptation du nouveau conjoint par les enfants, celle du rapport entre ex-conjoints ou encore du rapport de l'ex-conjoint avec les enfants restés attachés au noyau familial), et d'autre part des problématiques "spéciales" attachées spécifiquement à la famille dont il est question dans le film (en l’occurrence, le fait que cette union soit issue en quelque sorte d'un suicide dont la cause reste incertaine).

"Le Passé" est fondé sur une grande idée, revenant telle une leitmotiv pendant tout le film, de façon plus ou moins légère. Cette idée se résume à l'apparition du titre : on ne balaye pas le passé avec la même simplicité que le font des essuies-glaces pour la pluie. Le passé demeure, et il ne suffit pas de vouloir l'enterrer pour qu'il disparaisse. Le passé n'est pas non plus un simple souvenir en retrait du présent, il influe sur celui-ci et sur nos rapports à autrui. Bref, tout ça on le sait. Mais c'est cette idée qui nous sera régulièrement rappelée : à travers le personnage de Lucie (l'adolescente) qui refuse le nouveau conjoint de sa mère à cause des multiples séparations du passé (d'abord avec son père, puis avec Ahmad), à travers Samir qui ne peut oublier sa femme dans le comas, à travers Fouad (le petit garçon qui n'accepte pas Marie comme sa mère) etc...

Sur le fond donc, sans être franchement exceptionnel, le film se défend plutôt bien. Par contre, c'est sur la forme que cela se gâte, même si je sais que beaucoup ne seront pas de mon avis... Si Tahar Rahim livre une excellente prestation d'acteur, et s'il en va de même pour Elyes Aguis incarnant le petit Fouad, le constat est à des lustres pour Bérénice Bejo, qui n'est ni talentueuse, ni crédible un seul instant dans son rôle de mère dépassée par les évènements... L'hystérie et la mauvaise foi qui la caractérisent dans le film n'ayant d'égal que l’agacement intense qui en découle pour le spectateur que je suis. Ses rapports avec son nouveau conjoint sont également incompréhensibles... Difficile de croire réellement à cette union avec Samir, elle est si chiante... Encore une fois, ce n'est que mon ressenti.
Le personnage d'Ahmad m'a en revanche beaucoup plu. il ne fit pourtant pas l'unanimité parmi ceux qui m'accompagnaient, l'un trouvant son caractère plus sage et compréhensif tout bonnement insupportable.

La tournure quasi-polar que prend le film vers sa moitié, tendant à la résolution de la problématique "spéciale" (le suicide de Céline) est assez étrange... Alors la tâche sur le costume : elle l'a faite elle-même ou pas ?! Et puis finalement, au fur et à mesure de la résolution, ça passe plutôt bien...

"Le Passé" a donc un vrai défaut selon moi, celui d'être excessivement négatif. A l'image de la décoration générale de la baraque d'ailleurs, qui est clairement dégueulasse. A l'image aussi de la météo constante pendant le film : il ne cesse pas à un seul instant de flotter... A l'image enfin d'une bonne partie des personnages qui semblent se complaire dans leur malheur respectif. Ce négativisme radical m'a déplu...

Heureusement, ce défaut n'entrave pas les qualités certaines du film qui reste émouvant (certaines scènes plus que d'autres comme la discussion de Samir dans le métro avec son fils, ou la scène finale avec Céline). La diversité des situations permettra également à beaucoup de spectateurs de s'identifier un minimum à travers un personnage, ou d'en haïr un autre. "Le Passé" a également cette qualité de susciter de vraies réflexions sur la famille moderne et ses problèmes.

Loin de m'avoir entièrement conquis, "Le Passé" reste un film plaisant dans l'ensemble. Malheureusement, il pleuvait aussi à Rouen à la fin de la séance.
Endless_
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le 20 mai 2013

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