1931, un an avant la sortie du Scarface de Howard Hawks, Mervyn LeRoy délivre en moins d'un mois ce Little Caesar qui pose les codes essentiels à l'imaginaire du film de mafieux. On trouve ainsi le désir de poursuivre un rêve américain inversé. La petite frappe et son ami décident au tout début du récit de partir vers l'Est alors que les pionniers en quête de terres et d'un idéal de vie nouveau allaient vers l'Ouest.


De plus, si notre héros local refuse de boire de l'alcool et semble avide de pouvoir et de gloire, le réalisateur présente un film en apparence conforme à la morale imposée par le code Hays mais dont le message est pourtant éminemment subversif. Rico n'est à aucun un homme aux qualités extraordinaires. Au contraire, l'ensemble du film ne fait qu'évoquer ses défauts. Ce qui lui permet de grandir aussi vite dans le milieu, c'est la faiblesse de l'économie américaine et des institutions fédérales (le film a été tourné deux années seulement après la crise de 1929). C'est donc un sujet tabou et pourtant omniprésent dans le cinéma américain (il suffit de regarder les films de Clint Eastwood pour s'en rendre compte) qui est traité : le déclin de la superpuissance américaine.


Si Mervyn LeRoy n'est pas un réalisateur avec un grand sens du symbolisme, du moins est-il doté d'un sens du rythme exceptionnel. Le récit ne souffre d'aucune longueur. Chaque détail a son importance et l'immersion dans cet univers de déchéance est tout à fait passionnant. Paradoxalement, le principal défaut du film est son acteur principal, Edward G. Robinson, qui permet pourtant au Little Caesar d'être immédiatement reconnaissable. Si son jeu exubérant permet facilement d'identifier le personnage de Rico comme un parvenu méprisable, l'ensemble finit par rendre le film un peu rustre. Pour autant, cette description ultra nerveuse de l'ascension et la chute d'un petit malfrat marque par sa modernité et du point de vue de la réalisation, le film n'a pas pris une ride.


Impossible enfin de ne pas avoir un regard amer sur le cinéma proposé par Hollywood aujourd'hui quand on voit avec quelle sévérité et quel génie les cinéastes de l'époque ont pu traiter les dérives de leur époque.

Kevin_R
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le 11 avr. 2016

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