Le Plaisir n'est pas à proprement parler un film à sketchs, un empilement de courts métrages. La Ronde reliait ses histoires par un des personnages du couple qu'on retrouvait dans la suivante et par une unité de ton donnée par le narrateur. Ici, à l'image de la ronde ou du cercle, on préfèrera plutôt celle du triptyque. Il n'y a pas de lien direct entre les histoires mais plutôt un jeu de miroir thématique entre une histoire centrale "principale" et les 2 plus courtes qui l'entourent. Là où la vie règne sans partage dans l'histoire centrale, on entraperçoit la mort dans les 2 autres.

Ophuls film donc le plaisir mais il le filme pour mieux parler du bonheur et distinguer les deux. Car, comme le narrateur conclut ce film, "Le bonheur n'est pas gai." Le plaisir est dans l'immédiateté quand le bonheur s'exprime dans le temps. Le constat d'Ophuls me semble même plus amer que ça, mais c'est peut être ma lecture, je ne suis pas sûr, allant jusqu'à dire que le bonheur est une forme de mort là ou le plaisir est la vie.

Pour exprimer cette vie, Ophuls promène sa caméra, toujours dans le mouvement, comme un autre personnage. Parce que le mouvement, c'est la vie et que la vie c'est le plaisir. La caméra "virtuose" multiplie alors les plans séquences et les travellings incessants. On retiendra notamment le plan séquence accompagnant le danseur de la première nouvelle de son entrée jusqu'à son évanouissement (ça m'a rappelé le fameux plan séquence des Affranchis), le plan séquence de présentation de la maison Tellier (ce coup-ci c'est le plan séquence d'ouverture de La Famille Tenenbaum qui m'est venu à l'esprit) ou encore la caméra subjective dans la dernière nouvelle. Presque tous les plans sont filmés en mouvements et les rares à ne pas l'être sont bien souvent penchés,

Mais ce film ne se limite pas à la maestria de sa caméra. Ophuls sait aussi conter ses histoires, gérer le rythme et distiller les touches d'humour entre la fermeture de la maison close entrainant la bagarre et le personnage lançant "c'est comme ça que les guerres commencent", un Daniel Gelin répondant laconiquement un "C'est là-haut" à la tentative de chantage de Simone Simon qui veut se jeter par la fenêtre ou encore la scène du train où se rencontrent les cocottes de la maison Tellier, un représentant de commerce et un couple de vieux paysans.
ghyom
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le 1 févr. 2015

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ghyom

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