Max Ophuls adapte trois contes de Guy de Maupassant pour des histoires où le plaisir est confronté à la pureté, l’amour et la mort.

Le film commence sur un écran noir, avec une voix, celle de Maupassant, qui nous explique la situation. On voit ensuite la foule se presser vers « Le palais de la danse » avec animation et entrain. L’endroit est vaste, la décoration est riche et les costumes flamboyants. On sent la gaité, chacun chacune, jeune comme vieux, vient ici pour s’amuser sans se soucier d’autre chose.

Un homme arrive, costumé et élégant. Par contre, son visage semble figé dans un sourire étrange. Il entre dans le cabaret en courant et se précipite vers une piste de danse. Maupassant commente. Cet homme s’agite sur la piste de danse, mais on le sent à la peine. Il fait un peu raide et bientôt, le voilà qui s’effondre à terre. Impossible de le relever. On l’allonge plus loin et on appelle un médecin. Celui-ci accourt malgré quelques protestations (il ne venait ici que pour s’amuser, lui aussi). Il ausculte l’homme, défait ses vêtements pour le faire respirer. Il trouve un système d’attaches qui maintiennent un masque très ajusté. Il réussit à l’ôter … pour découvrir le visage d’un homme vieillissant. Un homme dont on comprend qu’il n’avait rien à faire sur une piste de danse, surtout pour s’y démener comme il l’a fait. Il n’y a plus qu’à le ramener chez lui où sa femme l’attendait. Survivra-t-il à une telle débauche d’énergie ?

Le premier conte (Le masque) est assez court (moins de 20 minutes) mais d’une grande richesse visuelle. Le second (La maison Tellier) est beaucoup plus long et c’est celui qui fait la célébrité du film. La maison Tellier est une maison close comme on disait à l’époque. Elle se situe dans une petite ville de Normandie. Quelques notables du coin s’y retrouvent quasiment tous les soirs pour échapper à leur intérieur bourgeois probablement assez morne. La maison est tenue par madame Tellier qui bénéficie de l’estime générale. Elle fait régner une ambiance bon enfant dans cette maison. L’histoire débute un samedi où les habitués découvrent que pour une fois, la maison est close pour de bon !

Madame Tellier a été invitée par sa sœur à la communion de sa nièce. Alors elle est partie avec ses « filles » comme si tout ce petit monde constituait une famille. Ces dames prennent le train. A la gare elles sont accueillies par Joseph Rivet le frère de madame (Jean Gabin) qui les emmène dans une charrette où il a installé quelques chaises et où il place son monde. La nuit se passe à la ferme avec ses bruits. Le lendemain, à l’église, les filles sont très émues et se mettent à pleurer. Puis, il y a le repas dans la cour où Joseph Rivet s’enivre et sort plusieurs fois le même discours de remerciement à ces demoiselles, simplement pour leur présence. Il faut dire que madame Rosa (Danielle Darrieux) lui plaît beaucoup et qu’il n’a aucune envie de la laisser partir. Pourtant, madame Tellier est imperturbable. Elle a fait honneur à la famille, mais les affaires sont les affaires. Il faut reprendre le train de 16h05. Il y a aura tout de même une halte dans un champ en fleurs.

Tout dans cet épisode est éblouissant. Cela tient du miraculeux. La séquence dans le champ est digne des peintres impressionnistes (on apercevra une toile de Renoir et une de Degas dans l’épisode suivant) et chaque scène est un petit miracle d’équilibre. La caméra se fait oublier malgré des plans virevoltants. Les acteurs n’en font jamais trop. Darrieux et Gabin n’ont pas de rôles trop dominants par rapports aux autres. Ils font juste ce qu’ils ont à faire et cela passe merveilleusement bien.

Le troisième épisode (Le modèle) est moins marquant, surtout parce qu’il vient après un petit chef-d’œuvre. L’histoire est encore une fois cruelle et élégante. On y découvre Jean (Daniel Gélin en jeune premier) amoureux de Joséphine (Simone Simon, la future féline de Jacques Tourneur) qui se lasse, ce que Joséphine ne supporte pas. On verra jusqu’où elle ira à cause de cela et quelles en seront les conséquences.

A noter que le master restauré présenté dans le coffret Gaumont est de toute beauté. Le noir et blanc est d’une grande pureté, il reproduit parfaitement le style élégant et raffiné de Max Ophuls.
Electron
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le 28 avr. 2013

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