Le Sens de la fête par pierrick_D_

On s'adapte.Max,organisateur de mariages vieillissant et fatigué,débarque avec sa pléthorique équipe de cuisiniers,serveurs,plongeurs,musiciens et autres dans un château de la région parisienne où il doit superviser le repas et la fête suivant les noces de Pierre et Héléna.Mais les incidents vont s'enchaîner et la soirée va être une suite ininterrompue de galères diverses qu'il va falloir constamment gérer dans l'urgence.Le film de mariage est un genre qui a été beaucoup fréquenté par le cinéma et là c'est le duo Eric Toledano-Olivier Nakache qui s'attaque à ce thème avec une certaine efficacité.Réalisateurs et scénaristes,ils déroulent une comédie bien vue aux dialogues finement ciselés qui nous immerge dans les coulisses d'une profession méconnue.Car il est ici moins question des participants à la noce que des soutiers qui se démènent autour de l'évènement.Ce parti-pris quasi documentaire entre en conflit avec le ton délibérément humoristique de l'entreprise,ce qui constitue la limite du film.Difficile en effet de croire que Max,apparemment un professionnel réputé qui fait dans l'évènementiel haut de gamme,puisse avoir fait carrière aussi longtemps en étant entouré d'une telle bande de bras cassés.Parce que si la description détaillée d'un aréopage d'employés complètement barrés se révèle très drôle et fait le sel de l'oeuvre,on ne comprend pas comment ni pourquoi leur patron les a embauchés.Quoi qu'il en soit les Nakadano gèrent brillamment le timing de leur film et parviennent à faire exister chacun de leurs très nombreux personnages tout en décrivant avec fluidité le déroulement de cette soirée pour le moins animée.Tout se barre en sucette du début à la fin et tous contribuent à leur manière à la catastrophe prévisible.Adèle,jeune maître d'hôtel blackette qui parle le jargon ordurier de sa banlieue,s'embrouille avec le chanteur James,un tocard incontrôlable qui se la joue,et fait embaucher par piston son pote Samy,un débile qui ne connait rien au métier et sera à l'origine des pires désastres.Josiane,la collaboratrice et maîtresse de Max,lui met la pression pour qu'il quitte sa femme et s'amuse à flirter avec Patrice,un jeune gendarme qui fait le serveur au noir pour arrondir les fins de mois.Julien,le beau-frère du patron,est un ex prof dépressif reconverti en serveur,qui passe son temps à reprendre les fautes de français que commettent les autres et qui va se mettre à draguer de façon éhontée la mariée en qui il a reconnu une ancienne collègue dont il était amoureux.Il y a aussi Guy,le photographe,qui fait la razzia des petits fours avant de s'engueuler avec les invités qui flashent avec leurs portables,pour finir par se taper la mère du marié,lequel est un emmerdeur prétentieux et mégalo qui soule toute la troupe avec ses exigences tandis que les vieux invités réclament à James leur playlist antédiluvienne comprenant Félix Mayol,Jean Sablon ou Gaston Ouvrard.Les réalisateurs entrelacent adroitement les interactions de tous les personnages au fil d'une narration à la fois désopilante et étrangement désabusée.Car de vraies thématiques et une certaine amertume émergent du récit,à commencer par le blues du chef d'entreprise moderne.Max est le protagoniste central du film,et sa vie n'est pas simple.On le voit hésitant entre deux femmes,traqué par les impôts,il a plein d'employés non déclarés,et accablé par la nullité de son personnel,au point qu'il a entamé des démarches pour céder son affaire.Autre symptôme de la fin d'un monde,sa conversation avec Guy,à qui il explique tout de go que son métier n'existe plus.Max est le dernier à le faire bosser,par amitié,mais plus personne ne veut de photographe.L'argentique c'est terminé et les gens ont tous des smartphones,plus besoin d'attendre les développements ou de stocker dans des albums,ça c'était le monde d'avant.Ironiquement,au vu des évènements actuels,on voit que la profession de Max est elle aussi en train de s'éteindre.Plus de réunions,plus de soirées,plus de mariages,plus de fêtes,les entrepreneurs du secteur et leurs salariés sont sur la touche.La fin amène une petite lueur d'optimisme.Après la cata on ne peut tomber plus bas,tout le monde oublie les problèmes,on se regroupe et on finit la fête quoi qu'il arrive,le bonheur malgré tout.Le regretté Jean-Pierre Bacri,monstrueux,porte le film dans son éternel emploi de bougon au coeur d'or.Un savant mélange de valeurs sûres et de talents émergents du cinéma français se déploie à ses côtés.Parmi eux se distinguent chez les anciens Jean-Paul Rouve,Gilles Lellouche,Suzanne Clément,Hélène Vincent,Antoine Chappey,Nicky Marbot,Grégoire Bonnet et Sam Karmann qui avait dirigé Bacri dans son "Kennedy et moi".La nouvelle vague est composée de Vincent Macaigne,Eye Haïdara,fantastique révélation,l'humoriste Alban Ivanov qui exécute un énorme numéro,Benjamin Lavernhe,de la Comédie-Française,un des acteurs les plus perchés du cinéma hexagonal,Judith Chemla,William Lebghil,le pote à Kev Adams,et Kevin Azaïs.Sans oublier le jeune Gabriel Naccache,irrésistible en photographe stagiaire imperturbable qui a réponse à tout.