Le Vent se lève
7.3
Le Vent se lève

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (2013)

Je sais que ne je ne serai pas pas la première ici ou ailleurs, à tenter de rendre hommage à l'oeuvre immense de Hayao Miyasaki, Mais j'en ressentais tout de même le besoin, ça me démangeait, me titillait, depuis longtemps déjà. Comment arriver à mettre des mots sur ce que je peux ressentir ? Comment en trouver d'aussi justes, aussi doux, purs, transportant, émouvants, passionnants, que ce que fait naître en moi de telles images.
Si vous saviez …. Certains savent. Certains comprennent à quel point ces films sont un puits d'amour et d'émotion. Certains savent que s'abreuver à cette source un jour, c'est garder à jamais, marqué comme par le sceau de Zeniba, l'empreinte indélébile d'un cinéma de perfection sur son coeur.
Je voudrais alors qu'on se retrouve tous, nous, ceux qui captons cette énergie, et qu'on regarde ensemble ces oeuvres d'art, ces havres de poésie, ces perfections. Que l'on contemple ensemble ces ciels nuageux, ces herbes dansantes au grès du vent, que l'on sente le parfum délicieux des plats appétissants, que l'on touche sous nos mains ce bois rugueux et plein d'histoire d'où s'échappent des petites boules de suie. Que l'on regarde le monde se refléter à travers les larmes immenses de ces héros.
On pleurera alors nous aussi, non pas de chagrin car nous le savons : jamais cette sensation ne s'éteindra, elle est immortelle. Non pas de bonheur, car le monde et ses règles, nous interdissent de nous délecter encore de nouvelles images vierges de nos yeux enchantés. Mais de gratitude.
Oh oui, de gratitude pour tout ce qu'il a pu réussir à nous offrir. En 10 ans l'artiste doit donner tout ce qu'il peut. C'est le personnage de l'ingénieur Italien qui fait passer ce message dans ce dernier film. Mentor du héros, il revient bien souvent dans ses rêves pour lui porter un message et lui donner l'impulsion d'avancer, une bouffé d'air frais, un moment magique. Magique. C'est Miyasaki qui nous parle. Qui nous fait ses adieux. Qui nous donne encore, une dernière fois, cette tendresse et cette foi dans la vie.
Magique.Ces émotions, ces personnages, ces paysages, ces silences, cette musique, cet amour.
Merci répète le héros, merci.
Merci, si vous saviez.

Je suis une petite fille, si petite 5, 6, 7 ans 8 peut être … Peut importe… Je suis une petite fille si petite, pas encore désenchantée, pas encore corrompue, ingénue de tout et je goûte à ces films. Rencontrant ainsi mes meilleurs amis pour la première fois.
Chihiro, Nausicäa, Sheeta, Pazu, Totoro, Mei, Satsuki , Mononoké, Ashitaka, Kiki, Jiji, Porco, Haku, Ponyo, Sosuke, Hauru, Fio, Marco, Edgar, Jigen vous tous et tous les autres encore….
Mon coeur se soulève, il ne cherche qu'à battre à l'unisson des vôtres . Mon coeur se soulève par la force de vos pas, de vos actes, de votre courage, de votre malice, de vos gestes.
Vos gestes, si on peut peut être en parler, juste un peu. Je ne saurais même pas comment faire comprendre à quel point ils me transpercent. Vos mains agrippant un bol de riz, votre tête basculant dans un salut traditionnel plein de grâce et de fierté, vos doigts fins qui se joignent pour dire au-revoir. Toi quand tu trébuches, toi quand tu entends un bruit, toi quand tu cours, quand tu peints, quand tu travailles, quand tu t'étonnes, quand tu t'émeus…
Moi je suis tétanisée, figée dans un sourire affectueux, mais débordante intérieurement.
Et lui seul sait dépeindre le monde, la nature et les esprits qui y habitent.
Lui seul sait dépeindre le vent. Cette bourrasque enchantée qui fait frémir les arbres de la forêts de la princesse Monoké, ravissant les sylvains au passage. Celui là encore qui fait danser sur les collines l'herbe folle près du palais des bains, et qui donne un instant encore, l'illusion que les fantômes de papier qui s'attaquent à Haku sont vivants. Ce vent qui fait danser les cheveux flamboyants de la petite Ponyo sautant sur le dos des vagues ronflantes, coléreuse et pourtant si affectueuse. Encore celui-ci qui fait frémir le château ambulant, carcasse remplie d'amour qui contemple en silence des paysages montagneux ou le terrible enfer de la guerre ; le monde et ses merveilles. Celui qui fait voler les nattes de Sheeta et qui semble presque déposer doucement la jeune fille dans les bras de son amour. Celui, omniprésent dans Porco Rosso, volant au-dessus de la mer Adriatique brillante de mille diamants sur laquelle se reflète l'avion libre de ce cochon borné. Celui qui fait gonfler la robe de Kiki, qui s'envole, à l'aventure à califourchon sur un balais capricieux accompagné d'un chat noir. Le vent qui s'engouffre dans le torse de Totoro et qui ressort rugissant et ardant, remplissant nos coeurs d'amour. Et tous les autres encore…
Et le dernier vent, celui fil conducteur, protecteur du héros du Vent se lève. Complice, vieil ami qui se retire avec pudeur.
Ce vent plein d'imaginaire, de mythe et de divinité. Celui qui nous ensorcelle, qui fait de chaque moment, et surtout des plus simples, un instant de grâce, celui qui nous rend amoureux. Ce vent porteur de bonnes ou de mauvaises nouvelles. Ce vent, cette énergie, qui les anime.
Oh Hayao vous m'enivrez. Je n'arrive même pas a m'expliquer.
Vous m'avez tant appris, le courage, l'enthousiasme, la générosité, l'imagination, l'indépendance, la détermination, la bonté, la loyauté, l'humour, l'idéalisme, l'hospitalité, l'intelligence, la compassion, la politesse, la patience, la beauté de l'arrogance, la compréhension, la passion, l'amour. J'aurais voulu, plus que de garder ces trésors en moi, en faire mes caractéristiques mais vous comprenez bien que je n'ai pas le coeur assez grand. Il est bien moins beau que celui de Hauru et de Calcifer … Qu'elle tristesse. Je ne suis qu'une humaine après tout.
Vous m'avez fait comprendre aussi et surtout.
Lorsque Chihiro regarde l'horizon les pieds dans le vide, la boulette magique offerte par l'esprit dans sa main,elle comprend et à travers elle je vis et je comprends aussi. Je réalise combien le monde est cruel et plein de souffrance et de malfaisance. Je comprend ce qu'est un adulte. Je comprends leur mal-être, leurs défauts, leur avarice, leur perversion. Je vois et je comprends. Je ne veux jamais être des leurs. Je veux rester là, regardant l'horizon avec elle. Avec eux, avec vous, et tenter de porter sur le monde un regard sans haine.
C'est par cette porte que vous avez dessiné, messager dans les mains d'un artiste, accroché au corps d'un grand père japonais au yeux rieurs et à la mine parfois sévère, par cette porte que j'ai prise il y a longtemps, que j'ai appris à aimer le monde, la musique, et le cinéma. Sous le regard bienveillant de tout ces personnages.

Ce soir je me suis assise dans la salle, laissant à l'entrée tous les soucis insignifiants de mon monde, ce soir j'étais une petite fille, si petite devant l'immensité de ce film. J'ai pris l'avion, je me suis envolée, par delà la mer de nuages, les collines verdoyantes. J'étais amoureuse, j'étais travailleuse, j'avais un rêve bien plus haut que la maladie, la guerre et les explosions des humains qui courent à leur perte. Ce soir j'avais un rêve, celui de décoller dans l'avion que vous aviez une fois de plus dessiné pour moi. Je suis le petit prince dans le désert, vous êtes Saint Exupéry et la boite et le mouton me transportent une fois de plus. Je m'échappe et je goûte au plaisir et au bonheur.
Bien sûr ce film est différent des autres. C'est votre ultime film. Alors vous vous faites plaisir, vous nous racontez une histoire, celle de votre pays, vous tentez de pardonner, ou du moins comme à votre habitude de saisir la beauté qui réside dans ce monde et cela malgré tout. Et vous réalisez votre rêve, petit garçon japonais, myope rêveur, artiste du ciel. Moi qui pensais voir la biographie savamment mélangée de deux hommes différents, j'en ai découvert une troisième qui transperce l'écran. C'est la votre M. Miyasaki.
Ce soir, j'avais un idéal, celui que vous avez construit pour nous, lorsque je n'étais encore qu'une si petite fille, celle que je suis encore grâce à vous et pour toujours : Le vent se lève il faut tenter de vivre.
Merci merci merci … si vous saviez comme je suis émue.

(PS : je ne suis pas bien sûre d'avoir tout dit … je suis plutôt sûre du contraire. Je reviendrai alors sans doute, comme je reviens toujours vers ces films)
aria
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le 26 janv. 2014

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aria

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