Miyazaki, la conspiration anti-otaku, starring Hideki Anno
J'ai lu quelque part que Miyazaki a trouvé son sujet le jour où il a lu cette phrase de Jirô Horikoshi "Je voulais juste faire quelque chose de beau".
Eh bien bravo, Miyazaki a une fois de plus réussi, sauf que ce film a eu le même effet sur moi que les beaux avions de Jiro: il m'a anéantie.
J'ai été très troublée par le doublage de Jirô. Pourquoi avoir choisi une voix aussi voilée et molle qui ressemble plus à celle d'un vieil homme pour un jeune garçon qui paraît, dans la première demi heure du film, plein de bonté, et de générosité? Je le voyais alors secourir une femme blessée sans émotion dans la voix, sans intonation, alors que le dessin faisait quand même sourire faiblement le personnage... J'ai regardé plus tard qui le doublait, et eu l'impression de comprendre un truc quand j'ai lu : Hideaki Anno.
Miyazaki aurait-il fait le même pied de nez à ses fans avec ce """"dernier film"""" que Hideaki Anno avec ses Evangelions schizophrènes?
Pour avoir vu tous ses films et lu Nausicäa, je pensais que j'avais assez bien cerné le personnage et il est manifeste après avoir vu Le Vent se Lève que non. J'ai rien compris, il n'est pas un tanuki farceur qui dessine en se faisant passer pour un humain. Il est vraiment humain.
Le scénario m'a trimbalée de façon absurde. Des cigarettes et des dessins de plans. Et ce lancinant "Les avions sont de beaux rêves" et "on n'a pas la technologie au Japon"...
Le héro, ou plutôt l'anti-héro, car il est relativement antipathique (encore une 1ère chez Ghibli), semble se laisser (mal)mener par son rêve, son destin de créateur, en passant à coté de la vie. Comme s'il ne pouvait pas faire autrement. Il fume à coté de sa femme mourante, comme maudit par son talent, parce qu'il faut absolument qu'il enlève 16 grammes par bidule de métal. Le seul moment où il (re?)devient humain, et ce zigoto d'Anno n'intervient pas sinon ç'aurait encore été zombifique, c'est quand il court à Tokyo voir sa fiancée qui a craché du sang. Avec des Larmes-Ghibli™ d'anthologie <3.
Le plus beau passage a été pour moi celui de la Montagne Magique, où l'on oublie tout, où l'on retournait presque dans un Miyazaki "classique", au milieu de la nature, où on se souvient de l'existence des arcs-en-ciel... Mais bien sûr il a fallu en redescendre de cette montagne, car ce n'était pas le propos du film.
Redescendre pour se crasher lamentablement avec son beau rêve, avoir utilisé ses 10 années de créateur, et tenter de vivre après que son rêve ait tué de nombreuses personnes, dont sa femme en quelque sorte.
Un peu comme Jirô, je suis sortie du rêve à la fin du film (brutale et aérienne en même temps), et c'est comme si toutes les émotions et la vie avaient quitté mon corps. J'ai marché avec mon coeur vidé jusqu'à ma voiture et je suis redevenue humaine et ai éclaté en sanglots.
Oui oui je crois bien que Miyazaki a voulu se moquer de moi : l'affiche fraîche et verte, féminine, de la peinture, du vent. C'est pile poil ce que tu n'auras pas! Un scénario conventionnellement bien mené avec péripéties, des personnages mignons et des relations positives et saines entre les protagonistes. Non non, déjà fait ça.
LE DÉSESPOIR le plus profond et le plus beau, le désenchantement, la démystification de mon héro, voilà ce que j'ai eu. Et je l'accepte, avec douleur.
PS: Les bruitages à la bouche c'était vraiment trop génial.
PPS: la note ne veut rien dire, je ne sais pas quoi mettre.