A titre personnel, je pense que les angoisses les plus fortes au cinéma sont celles que l'on peut totalement appréhendées, qui sont tangibles. Un homme seul dans un monde peuplé de vampires (Je suis une légende), un couple face à une bourgade de fantômes de la guerre de Sécession (2.000 Maniacs) ou entouré d'une foule de zombies (la nuit des morts-vivants), vous pouvez avoir peur mais à tout moment, pour baisser votre tension interne, vous avez une échappatoire facile : vous dire que les vampires, les fantômes, les zombies, cela n'existe pas.
Difficile d'avoir recours à ce stratagème intellectuel rassurant dans les Révoltés de l'an 2000 puisque les instruments de l'horreur, ceux qui tuent, sont ici des enfants. Il n'est pas question de réalisme (le film porte en lui des éléments fantastiques - en l'occurrence, le regard hypnotique dont use les enfants pour propager leur folie meurtrière) mais de réalisable : les enfants, à la différence des zombies, ça existe et on en croise au coin de la rue ou même dans sa propre maison - les siens.
De ce côté-là, Les révoltés de l'an 2000 se rapprochent plus des Oiseaux - au delà même de leur caractère insulaire en commun. A l'instar du films d'Hitchcock où la raison de la folie meurtrière des oiseaux seraient une rebellion face aux hommes qui les ont toujours tués, le pré-générique du film espagnol montrant des images d'archives sur la shoah et d'autres conflit pourraient donner une raison possible à la folie meurtrière des enfants : ils sont toujours les victimes les plus innocentes à la folie des hommes. Il y a tout de même différence notable entre les deux films : vous êtes attaqués par des oiseaux, vous pouvez facilement les tuer mais des enfants...Le titre original (le français détient la palme d'or du titre le plus stupide du monde) met d'ailleurs l'accent sur ce blocage fondamental "qui peut tuer un enfant ?", un tabou que l'un des protagonistes sera obligé de franchir pour sauver sa femme puis sa propre vie.


Ce petit film espagnol est ainsi éminemment transgressif, jouant sur un oxymore dérangeant : des enfants, symbole de l'innocence, devenus violent. Il y a bel et bien là un renversement des valeurs où les rires et les sourires des enfants, généralement craquants de candeur, deviennent des manifestations extérieures de perversité ; l'innocent jeu de la pinata, avec bandeau de colin maillard sur les yeux, se transforme en séance de torture. Les images de ces foules d'enfants armés de faucilles et de bâtons renvoient aux images de la guerre d'Espagne, une guerre civile agricole dont le film semble faire écho dans une résurgeance cauchemardesque (le film est sorti 1 an après le mort de Franco, dans un pays encore fortement marqué par les horreurs de la guerre...ceci expliquant peut-être cela).


Le film est ainsi dérangeant avec comme image forte un bébé à naitre tuant sa mère de l'intérieur ou une adorable gamine de 5 ans tuée à la mitraillette en pleine figure. Le film est aussi habile et bien mené (bonne idée que de faire des protagonistes des Anglais, a fortiori encore plus étrangers et perdus à tout ce que se passe, bonne idée également de faire de la femme, une femme-enceinte), sachant faire monter petit à petit le suspense jusqu'à un final rappelant celui de Frissons de Cronenberg (qui se déroule également sur une île) avec cette certitude : le mal va se propager...

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le 30 mai 2018

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denizor

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