C'est avec Love que je découvre Gaspar Noé, et je dois avouer que j'aime beaucoup le traitement qu'il fait de l'amour (et du sexe, surtout) dans le film. Parce que c'est rare que le sexe soit aussi sublimé au cinéma. En fait, c'est rare de faire passer tout un tas d'émotions par ce même moyen. La scène du plan à trois, par exemple, était vraiment sublime et m'a émue. La lenteur et la performance, à la fois des acteurs et de la photographie, en font un moment de grâce assez étonnant, et renforcé par la 3D pour une fois bien utilisée. A l'inverse, d'autres scènes sont plus saccadées, plus vulgaires du coup, et dépeignent donc un sentiment tout à fait différent, que ce soit lors de la phase "difficile" du couple Murphy-Electra ou de leurs disputes, plus simplement, eh bien c'est bien rendu par cet aspect érotique du film.
Pour cet aspect là du film, le pari de représenter l'amour à travers le sexe est en partie tenu. La plupart des scènes sont très belles, et l'ensemble, même dans ses maladresses et ses imperfections, est très touchant. C'est quand même plutôt bien écrit dans l'ensemble, et on se surprend parfois à être attendri, attiré par les personnages, d'autres fois à ne pas les supporter. Malgré tout on peut reprocher, je le concède, une certaine superficialité à l'oeuvre de Noé : la beauté, tant de la mise en scène que des acteurs, est bien plus importante esthétiquement que dans le traitement de leur psychologie ou de leurs personnages. Cela dit, à aucun moment Noé ne donne l'impression d'être condescendant ou prétentieux, et malgré l'affiche douteuse et racoleuse de "Love" et toute la hype qu'il y a eu autour, le film lui-même semble être simplement un moment de cinéma que l'auteur veut nous faire partager.
D'ailleurs, Gaspar s'auto-référencie souvent (Murphy qui est passionné de cinéma, son enfant qu'il veut appeler Gaspar, le galeriste d'art qui s'appelle Noé...). Ce qui m'a plutôt amusé personnellement, car son film semble très personnel. Et ça peut justifier la légère superficialité des personnages et des situations aussi, le fait que ce soit un film personnel, d'auteur.


Je ne comprends pas les critiques du film. En rien ce n'est choquant, sulfureux, scandaleux, etc.
L'important n'est pas l'image, mais ce qu'on en fait. Et ici on en fait pas mal de belles choses. Alors certes l'interdiction aux moins de 16 ans est justifiée (je suis bien content d'avoir pu le voir avant qu'ils l'interdisent aux moins de 18 ans, d'ailleurs...), mais ce n'est pas la peine de cracher sur ce film pour ce qu'il montre. Au contraire ! Si on considère que c'est un film porno (alors que ce n'est pas le cas, il y a beaucoup plus de scènes érotiques que de pornographie), alors c'est carrément un chef d'oeuvre du genre. Qui, en 2015, oserait sortir un film porno aussi contemplatif dans ses plans, et aussi abouti dans son scénario ? D'ailleurs, en 2015, le porno c'est des vidéos courtes sur internet, ce qui dénature totalement le délire. Mais de toute façon, qui oserait mettre du porno dans un film sur l'amour ?
Et c'est là que l'oeuvre de Noé est forte aussi, c'est qu'elle a le "cul" entre deux chaises, et ça donne un résultat non pas bancal mais d'autant plus riche, ce qui est beaucoup plus intéressant qu'un film porno tout court ou qu'un film sur l'amour tout court. Et ça, beaucoup de gens ne l'ont pas compris ou ne veulent pas le croire, et c'est bien dommage.


Enfin, j'ai beaucoup aimé les choix dans la réalisation. L'utilisation de la musique est souvent très bien choisie et renforce la beauté des scènes. Les cuts avec fondus au noir découpent le film en autant de tableaux qu'il y a de flashbacks et de souvenirs, un peu comme si le film était une fresque de moments accolés pour former une mosaïque. D'ailleurs l'histoire est cousue de toutes pièces pour vraiment se focaliser uniquement sur les 3 personnages principaux, et ces pièces sont d'autant de morceaux de la mosaïque, ce qui donne un résultat efficace au niveau du rythme.
Noé sait créer le malaise, l'euphorie ou l'ivresse quand il le faut.
De plus, l'utilisation de la 3D, même si elle n'était, paraît-il, pas prévue lors de l'écriture du scénario, rajoute indéniablement un petit plus au film. Oui, pour une fois, la 3D n'est pas utilisée pour un blockbuster lambda ou pour un film d'animation. Et si tout le monde aura retenu l'éjaculation en 3D et le plan dans le vagin comme preuves de la beauferie du vilain Noé, j'aurai surtout retenu les reliefs étonnant qu'elle permet tant dans les scènes de cul que dans les scènes en boîte avec les lumières qui clignotent et tout. C'est beau, putain.
Un film de ce genre (j'ai bien dit, de CE genre) avec une telle recherche esthétique, je pense que ça manquait véritablement.


Malgré tout, Love n'est pas exempt de défauts, et ce rythme soporifique qui fonctionne si bien dans la grande majorité du film finit, dans certaines scènes de la fin du film, par agacer. La premièsre partie du film fonctionne très bien mais la deuxième est parfois un peu ennuyeuse et certaines scènes méritaient peut-être d'être soit coupées, soit plus profondément explorées. (par exemple: quand le couple Murphy-Electra essaie de voir ailleurs pour s'amuser, c'est pas bien écrit du tout, et ça fonctionne beaucoup moins bien que le reste) Ces moments de flottements dénotent d'un problème caractéristique à l'oeuvre de Noé : elle est trop longue pour le traitement qu'elle fait de son sujet. Pour mieux resserrer l'ensemble, il aurait fallu soit couper 30 minutes de scènes, soit ajouter plus de profondeur au tout.
De plus, certaines scènes, même esthétiquement, ne sont pas très intéressantes. Par exemple, le tout premier plan du film n'est pas beau. Alors oui, il n'y a plus d'amour, donc il n'y a pas de grâce, etc, mais ça on peut le comprendre plus tard dans le film, pas au tout début. Ou alors c'est pour que le spectateur s'attende mieux à ce qui l'attend dans la suite du film ? Quoiqu'il en soit, il y a des scènes, comme celle-ci, qui font tâche dans le tableau.


Cependant, même si je me suis un peu ennuyé par moments, même si je me suis parfois demandé ce que je foutais là entre des vieux et des couples, j'ai beaucoup aimé l'expérience. C'était vraiment une curiosité que je n'aurais pas imaginé fructueuse, mais voir Love au cinéma, en 3D, apporte tellement au film que je m'en félicite. Inutile de faire un scandale, en allant voir ce film vous savez que vous allez voir un film érotique en 3D avec des scènes pornographiques (non, le film en lui-même n'est pas porno, vous avez déjà vu un porno avec le personnage principal nostalgique de ses amours passées ?!).
C'est pourquoi je dirais que "Love" est très bon pour ce qu'il propose, c'est assez original et rafraîchissant même si décidément imparfait... ça fait du bien par où ça passe, comme dirait l'autre.
Et puis même si c'est un film très personnel par rapport à son auteur, je pense que chacun peut se projeter soi-même dessus, ou une part de soi-même du moins.
"Love" is what you make of it.
C'est pourquoi je lui donne un 8, pour l'instant. ça montera peut-être à 9, je sais pas.
Mais dans tous les cas, le film m'a marqué.


P.S. :


J'ai beaucoup aimé la fin. Murphy et Omi qui se câlinent, avec Murphy qui dit "I'll love you 'ill the end". Et 5 secondes plus tard, un gros "THE END" qui s'affiche sur l'écran. Sur le coup, ça m'a quand même plutôt amusé, et ça conclut tellement bien le film. Et une bonne conclusion, c'est un très bon point quand même.

burekuchan
8
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le 18 juil. 2015

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burekuchan

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