Vendredi 13, un jour à marquer d’une croix blanche. Je suis allé voir un film avec Fabrice Luchini. Mais pas pour voir un film avec Fabrice Luchini (faut pas déconner), pour voir un film de Bruno Dumont (ma première fois. Instant émotion).


Et je n’ai pas été déçu, loin de là.


Ce film est étonnant. Plus que ça, c’est un véritable OVNI, du genre qu’on aime (beaucoup) ou qu’on déteste (beaucoup).


Et pour comprendre, il faut avoir la bande-annonce, qui pour une fois n’en annonce pas trop. Elle permet surtout de se faire une idée de l’ambiance du film. Surtout ne lisez aucune critique (à par la mienne of course), elles spoilent sans vergogne un aspect croustillant du film qu’il est bon de découvrir par soi-même.


Car cette ambiance repose sur plusieurs éléments : Le Nord, deux familles dégénérées, mais chacune à leur manière, et surtout un jeu d’acteurs reposant, lui aussi, sur deux éléments : d’une part des acteurs amateurs, ce qui donne un jeu d’acteurs allant de normal à décalé, et d’autre part des acteurs professionnels (pour jouer la famille de bourgeois) qui s’en donnent à cœur joie dans le sur-jeu (c’est d’ailleurs grâce à ce parti-pris que j’ai pu supporter Luchini, d’ailleurs méconnaissable dans son sur-jeu). Mention spéciale à Juliette Binoche qui en fait vraiment des caisses.


J’ai pu lire après coup que Bruno Dumont n’était pas un grand fan du naturalisme (la restitution exacte de la réalité, à ce que j’ai compris), et ça se sent. Le sur-jeu m’énerve en général, mais quand il crée une fausse note dans son film. Ici, le sur-jeu est la norme et participe à l’essence du film. Plus les acteurs en font des tonnes, plus j’aime ça. Pas dit que ce soit le cas de tout le monde, mais faut tenter ! Voix, démarche, expressions faciales, dialogues, tout y est.


Ma Loute fait dans la comédie la plus basique en utilisant allègrement les personnages qui se cassent la gueule (ça très très cinéma muet d’ailleurs), les personnages débiles, incompétents et les situations totalement absurdes (la discussion entre Luchini et Binoche sur la paternité de Billy est particulièrement savoureuse). Que ce soit les trois groupes de personnages : bouseux, bourgeois et flics, tous sont ridicules, absurdes mais sans qu’on sente de mépris, de jugement sur chacun d’eux.


Mais on n’est justement pas que dans une comédie basique. Bruno Dumont a un don pour filmer ces personnages et ces paysages. Car le film est beau. Tout simplement.


Cerise sur le gâteau, Ma Loute n’est pas qu’une bonne comédie ou un beau film, c’est aussi un film qui balance au milieu de tous ses clowns, une histoire d’amour avec un personnage androgyne, ambivalent qui va servir à brasser la thématique de l’identité de genre et la différence de classe. Ce personnage masculin/féminin est magnifiquement utilisé(e). L’ambiguïté est poursuivie jusqu’au générique où l’acteur/actrice (pas de spoilers) est crédité(e) par un court « Raph ».


Un fil directeur dans tout ce joyeux bordel ; une série de disparitions. Un duo de policiers aussi incompétents qu’attachants est sur l’affaire. L’enquête n’est pourtant qu’un prétexte. Pendant ce temps, les bourgeois côtoient les bouseux qui leur font traverser un gué en les portant et Ma Loute côtoie Billie. Voilà pour le pitch.


Brunot Dumont a décidé d’utiliser le burlesque, l’absurde, voire le surréalisme, avec tout de même en toile de fond la question du genre, de la misère (la lutte des classes ?), de l’identité.


Quand l’absurde est poussée jusqu’au bout avec tant de soin dans la forme, ça donne une excellente surprise et un de mes meilleurs films de la cuvée 2016.


https://blogameni.wordpress.com/2016/05/16/ma-loute-bruno-dumont/

MrAmeni
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le 16 mai 2016

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