Un film sur l'histoire américaine est toujours vendeur, surtout quand on songe à son passé peu glorieux, marqué par les guerres et surtout le racisme. Avec le temps, les USA se sont érigés la triste réputation d'un pays occidental, pourtant la première puissance mondiale, plus que jamais fracturé où les dissensions internes sont autant politiques que raciales. La question du racisme prégnant sur le sol de l'Oncle Sam n'est plus à démontrer et avec le temps, les tensions ne font qu'augmenter. Faut-il s'en inquiéter ? Comme on a pu l'entendre dans le film, l'explosion raciale est plus puissante que l'explosion atomique et on se voit fort bien contraint de répondre par l'affirmative. La bombe atomique tue et laisse des séquelles physiques et mentales durables sur les victimes, tandis que l'explosion raciale gangrène toute une société tant dans les esprits que par ses attitudes et le plus important se propage sur le long terme à travers les générations.


Mais revenons en au film en lui-même qui met à l'honneur une figure très célèbre qui n'est autre que Malcolm X, le chien fou faisant opposition à la non-violence prônée par Martin Luther King. Bref, c'est du film historique qui traite du racisme et à notre époque où cette thématique est omniprésente à un point tel que certains politiques clientélistes n'hésitent pas à en faire leur cheval de bataille au détriment de composantes toute aussi essentielles comme l'économie ou l'écologie, nul doute que cela ne peut que déchaîner les passions. En ce qui me concerne, j'ai eu peur avant de lancer le visionnage. Quand on navigue dans ces eaux-là, on se ramasse fréquemment en pleine gueule de la bien-pensance dégoulinante, des leçons de morale à gerber et des explications bien infantilisantes, comme si l'on apprenait à un chien à faire le beau. Je déteste être pris pour un abruti quand je mate un film et plus encore cet adage "Tout est politique".


Je suis d'avis que le monde artistique représente l'une de ces dernières terres isolées où l'on peut encore échapper à cette manie pathologique, voire même une névrose obsessionnelle chez les cas les plus atteints, à politiser tout et n'importe quoi. Quel est l'intérêt de faire ça ? Ecouler sa frustration ? Se sentir exister ? Se donner une conscience de militant politique aussi objectif qu'un arachnophobe à qui l'on demanderait ce qu'il pense des araignées ? Ruiner l'insouciance, la beauté de l'art et l'évasion mentale pour y injecter son idéologie, ça m'énerve et ça me rappelle toujours certaines époques passées qui furent peu reluisantes en termes de démocratie, de liberté d'expression et même de droits de l'Homme. Spike Lee n'étant pas le cinéaste le plus subtil et impartial qui soit, ma vigilance n'en était que plus forte.


Et force est de constater qu'après coup, mes réserves se laissaient être disloquées par le professionnalisme du bonhomme dans sa mise en scène d'un bel effet, dans son retracement de la longue histoire de cet être controversé qu'il étire sans pour autant que ça ne verse dans l'ennui et bien sûr dans sa direction d'acteurs tous aussi talentueux les uns que les autres. Vous ne verrez pas beaucoup de blancs et je ne peux m'empêcher de faire du sarcasme en disant que sur ce point les quotas ne sont pas très respectés. Vous savez, cette ineptie ségrégationniste qui met les gens dans des cases et fait primer leur couleur de peau avant leur talent ? Ca c'était pour la petite parenthèse sulfureuse à une époque un peu trop aseptisée à mon goût (et non je ne suis pas un boomer ayant 26 ans, désolé).


Bon, qu'on se le dise, tout n'est pas rose non plus. Connaissant un peu la vie de Malcolm X (bénie soit le magazine L'Histoire), j'ai ouï dire l'existence d'une relation très forte entre lui et MLK qui ne s'entendaient guère bien. A mon grand regret, ce ne fut que très peu survolé, quant à côté, ça s'étend sur certaines parties dont l'on se fout éperdument, bien qu'elles ne soient pas non plus désagréables. En revanche, un vrai travail s'est fait pour retranscrire au mieux la personnalité belliciste mais néanmoins compréhensible de notre héros qui en a marre de cette époque de m*rde où les noirs sont traités comme des moins que rien (et cela n'a tristement pas changé tant que ça en 2021 dans certains états américains). Qui ne serait pas révolté devant tant d'injustices ? Bien que MLK soit une figure que je respecte énormément, je ne suis pas arrivé à condamner une partie des rancoeurs de Malcolm qui est un mec qui en a marre.


Ceci dit, ne nous cachons pas qu'il était un poil raciste dans ses années de rage et que le blanc était un démon à ses yeux. Et là curieusement, je n'ai pas ressenti une partialité de Spike Lee sur la question qui ne fait finalement que relater l'histoire et les tourments d'une pauvre âme révoltée. Malcolm X n'est aucunement une lettre de haine ouverte contre les blancs mais un témoignage du passé qu'il convient de voir en tant qu'histoire. Ca peut sembler limité de dire ça mais faut dire que pour certains la remise en contexte est aussi surhumain pour eux que le calvaire d'un escargot pour gravir la tour Eiffel en moins d'une journée. Donc toujours préciser parce que la paresse intellectuelle hein... Bon il aura fallu que Spike Lee gâche ce beau résultat avec un spitch de fin niais qui est exactement ce que je répudie. Le truc bien plaintif et moralisateur qui a vu son impact réduit par de superbes images d'archives.


En conclusion, Malcolm X, s'il est imparfait, est un film à voir ne fut-ce qu'à but d'enseignement. Pour le coup, la politique y est prépondérante mais quand elle est justifiée, c'est tout à son honneur. Mais au-delà de ça, cette oeuvre nous rappelle aussi que le racisme est toujours.... Là je sens que je finis par adopter un ton moralisateur donc on va stopper sur ce point final.

MisterLynch
7
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le 16 avr. 2021

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MisterLynch

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