Creuser son sillon dans le jardin d’une vie perdue pour s’opposer aux gratte-ciels inertes, pleurer sa chienne morte comme seule préoccupation à échelle humaine contre la faillite généralisée de millions de personnes. Margin Call est un jeu de contrastes cynique où les opposés s’attirent dans la même obsession de cet artifice nécessaire à la bonne tenue d’une société : l’argent. L’existence peut se penser en algorithmes : augmentons la population, le pourcentage de domination restera identique. C’est dans nos gènes. On a l’impression d’être en plein cauchemar, somnambule dans un rêve éveillé. Or il n’en est rien : nous sortons de ce rêve comme de la bulle spéculative brutalement éclatée pour en dévoiler le Néant. L’homme est face au vide, en haute voltige avec, compte tenu de sa stature, un parachute plus ou moins doré. La hiérarchie équivaut à la valeur des pions disposés sur un vaste échiquier ; le tout est de savoir anticiper le coup fatidique pour non pas sauver la mise mais au contraire l’accélérer dans l’espoir de déstabiliser l’adversaire. Le film se construit dans un huis clos étouffant et passionnant qui refuse tout artifice de mise en scène, colle aux personnages comme pour tenter d’en saisir, depuis les enveloppes charnelles, l’humanité, un cœur qui bat ; la conclusion est remplie de noirceur puisque chacun se range derrière ses intérêts, viole la propriété d’autrui pour y enterrer sa dignité et espérer, à terme, la voir fructifier. Une plongée vertigineuse dans l’univers de la finance aussi abordable qu’infréquentable, aussi limpide qu’obtus, terriblement humain dans l’inhumanité déployée.