Master and Commander - De l'autre côté du monde par abarguillet

"Master and Commander" ( De l'autre côté du monde en français ) de Peter Weir est un film d'aventure marine chevaleresque, dans la grande tradition des combats navals, qui relate un fait de l'histoire maritime commune entre la perfide Albion et la marine française. Cette fresque magnifique raconte la poursuite de deux navires ennemis au temps des guerres napoléoniennes, où l'on voit un commandant anglais prendre en chasse le navire Acheron et le poursuivre sans relâche jusqu'à l'affrontement final, l'abordage époustouflant de réalisme où le capitaine français perdra la vie et son équipage sera fait prisonnier, du moins ceux qui auront survécu.


Deux personnages centraux : le capitaine Jack Aubrey ( Russell Crowe ) au physique, à la carrure de l'emploi, le héros plus vrai que nature, impulsif, sanguin, volontaire, suscitant l'admiration et le respect par sa compétence, mais surprenant de par sa sensibilité dissimulée sous l'indispensable autorité que nécessite son commandement. Le chef vers lequel les yeux se tournent pour y quêter l'exemple et affermir son courage. Quant au second personnage, il s'agit du médecin de bord Stephen Maturin ( Paul Bettany ), le naturaliste, le chercheur posé, intériorisé, humain, l'intellectuel, musicien de surcroît comme son capitaine, avec lequel il aime jouer lors de leurs rares moments de liberté, sensible certes, mais de même envergure que ces marins trempés dans l'acier lorsqu'ils sont confrontés à l'adversité.


Entre eux deux, une amitié forte, faite d'admiration et d'estime, d'autant que la musique est un lien supplémentaire qui les unit par-delà les exigences de leur vie aventureuse et leur permet de prendre, pendant quelques instants, leurs distances avec les fureurs de la guerre et la cruauté des éléments. La beauté et la force du film résident en partie dans la relation entre ces personnalités très différentes mais unies par un destin partagé, où l'un chérit la connaissance et la modération et explore les mystères de la vie dans l'espoir d'en débusquer les secrets, tandis que l'autre entend embrasser son honneur et se plait à bourlinguer et guerroyer sur les océans pour la grandeur de sa nation.


Filmé de façon quasi documentaire, il nous livre une imagerie superbement animée de la vie à bord d'un navire de guerre du XIXe siècle, exaltant la bravoure de l'équipage, exhalant l'odeur de poudre et nous renseignant de façon précise sur les petites joies mais aussi les moments de doute et de désespoir, les amputations, le scorbut et la rudesse terrible des attaques navales et de la vie au milieu des flots déchaînés. Le réalisateur nous propose, en effet, une galerie de personnages captivants et complexes, remarquablement crédibles et, ce, des jeunes mousses aux sous-officiers et officiers qui sont campés avec vigueur et conviction et excellemment interprétés dans une succession de scènes hautes en couleur et habilement cadrées. D'ailleurs, ce long métrage est une suite de tableaux superbes, d'une qualité rare, inspirés de la peinture néo-classique, tantôt nimbés par les vapeurs d'eau, tantôt par la fumée des canons, lors des scènes de combat. Nous sommes dès le début du film, embarqués, tant est puissante l'évocation des faits et actions, grande la beauté des images, normale la vie qui s'organise en notre présence. L'oeuvre dégage une sollicitation telle que nous avons l'impression d'être les témoins privilégiés d'une aventure qui nous concerne, nous bouleverse et nous prend à l'estomac. Mieux encore, le tour de force de cette narration est qu'aucun sentiment de vengeance ou de haine ne transpire. Chacun est là pour exécuter une tâche, remplir un devoir, honorer un engagement et s'y emploie sans barguigner, à l'exception de l'un d'entre eux qui préférera se suicider, lorsqu'il s'apercevra qu'il n'est pas en mesure de faire face à ses responsabilités. Par contre, le cadet le plus jeune force notre admiration par sa maturité, son sang-froid et son courage, digne fils et petits-fils d'une lignée de grands capitaines, quand il subit l'amputation d'un bras à vif sans émettre une plainte et retourne aussitôt à sa tâche.


Voilà un film qui nous donne à voir et à vivre l'une des plus belles pages de l'histoire maritime et s'y consacre avec un art consommé du détail, une richesse de reconstitution stupéfiante et une ferveur communicative. A se procurer en DVD.

abarguillet
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le 3 oct. 2015

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