Pâté en croupe
Abdellatif Kechiche, depuis La vie d’Adèle, semble désormais devenu plus clivant que jamais (La vénus noire présageait déjà de la chose) et susciter la controverse au moindre de ses mouvements. Les...
Par
le 22 mars 2018
153 j'aime
22
Comment dit-on je t'aime en arabe ? De mille et une manière s'exclamerait Abdellatif Kechiche ; avec les mots, avec l'accent. Avec la bouche, avec les yeux. Avec le ventre, avec les fesses. Surtout les fesses, matériaux de base de l'oeuvre.
Mektoub, My Love est une belle et audacieuse romance estivale qui suinte la frénésie érotique. Un été 1994 à Sètes, une vague de fantasme déferle sur une bande de jeunes adultes.
Ça aurait pu en durer cinq, je n'aurai rien vu, me murmurais-je à la tombée du rideau. Ce seront finalement trois agréables heures abdélla-dictes, durant lesquelles s'écouleront une succession de plans séquences introspectifs. Toutes d'une justesse et d'une efficacité sans pareilles, elles explorent l'intimement intime, et s'érigent au sein des libidineuses atmosphères, bouillonnantes et transpirantes que sont les boîtes de nuit et les plages du Sud de la France.
A des années lumières des formules romantiques classiques et aseptisées auquel nous accoutume le cinéma français depuis des années, le réalisateur de La vie d'Adèle convie le spectateur à se replonger dans ses inavouables et fantasques souvenirs d'été de part son récit d'une étonnante sincérité.
Que nous dit Mektoub, My Love ? L'Amour (abdéllatique) est fiévreuse, pestilentielle mais tellement attractive, endiablée, déchaînée, intolérante. Malhonnête, incontinente et dévergondée elle est aussi et surtout si pure, si rare, si désirée... L'amour est relique. Kechiche forge - caméra à l'épaule - sa définition à travers son métrage qui sera assurément rejeté par ses opposants idéologiques, et un public un tantinet pudique.
Mais voilà, si Mektoub My Love est une oeuvre notoire dans son répertoire, il faut en remercier également les actrices françaises, pour une partie de la distribution, d'origine tunisiennes et algériennes ; Hafsia Herzi puis Lou Luttiau. Petite mention spéciale à Delinda Kechiche qui est d'un naturel renversant. Et enfin, les meilleurs compliments sont à remettre à Ophélie Bau. Durant sa prestation édifiante, Ophélie s'émancipe de quelques-unes de ces factices gestuelles et répliques théâtrales et nous offre une forme de pureté et d'animalité d'une grande rareté.
Maintenant, elle et Kechiche glorifient-ils la Femme en tant que t-elle dans une époque où le chant de résonance du féminisme n'a jamais été aussi retentissant ?
Plutôt que de s’enchevêtrer dans une binarité grotesque entre voyeurisme et liberté des corps, je préférerai m'appuyer sur un registre artistique autre que le cinéma : les vénus paléolithiques. Ses statuettes préhistoriques qui symbolisent plausiblement la fécondité, la féminité. Depuis ces temps, entre les âges historiques et jusqu'à Mektoub My Love, la Femme est magnifiée dans l'Art, pour y représenter le sexe, son anatomie, la ménopause, ou bien sa capacité à donner naissance entre autres.
Exhiber, et abusivement cadrer des fessiers bien proportionnés, tout comme s’atteler à filmer l'agnelage durant de longues minutes, c'est une forme autre et ciblée d'exprimer la féminité.
Mektoub My Love, en dépit des moyens mis en oeuvre susceptibles de déplaire, parvient à son objectif en faisant susciter le désire et le fantasme dissimulés, autant chez la Femme que chez l'Homme, ce au travers d'un protagoniste passif et observateur. Et paradoxalement, ô combien il déambulera parmi ses relatifs plongés dans une ivresse sexuelle perpétuelle et par instant nocive, notre protagoniste se retrouvera étonnement dans la meilleure position qui soit...
احبك
Créée
le 27 juin 2019
Critique lue 308 fois
1 j'aime
3 commentaires
D'autres avis sur Mektoub, My Love : Canto uno
Abdellatif Kechiche, depuis La vie d’Adèle, semble désormais devenu plus clivant que jamais (La vénus noire présageait déjà de la chose) et susciter la controverse au moindre de ses mouvements. Les...
Par
le 22 mars 2018
153 j'aime
22
Une longue vie de spectateur suffit en général à s'apercevoir que souvent, plus le traitement d'une histoire s'éloigne d'une apparence de réalité, plus on touche au vrai. Prétendre que le contraire...
Par
le 21 août 2018
101 j'aime
54
Alors que La Vie D’Adèle et son couple mémorable nous trottait encore dans la tête, Abdellatif Kechiche revient avec Mektoub my love (canto uno) et son style inimitable, qui cette fois ci,...
Par
le 26 mars 2018
93 j'aime
15
Du même critique
Toutes et tous, vous y avez été confrontés. Vous, fans de films d'horreur qui comme moi, ont pu se retrouver devant une table basse ornée de bols de chips, de jus de bissap et quelques verres de vin...
le 8 mars 2019
10 j'aime
Parole d'un fan inconditionnel de l'original de 1980. Le Choc des Titans édifié par Desmond Davis et Ray Harryhausen est une véritable perle du septième art - oui je ne me gêne pas de parler...
le 2 déc. 2017
10 j'aime
3
En deux mots Passez outre la représentativité des Sharon Tate et autres Bruce Lee, et vous vous en porterez très bien vous verrez. 9 ème merveille du monde derrière ces quelques sites archéologiques,...
le 23 août 2019
9 j'aime
3