Pâté en croupe
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Abdellatif Kechiche, depuis La vie d’Adèle, semble désormais devenu plus clivant que jamais (La vénus noire présageait déjà de la chose) et susciter la controverse au moindre de ses mouvements. Les polémiques relatives à sa palme d’or et sa personnalité n’ont fait qu’attiser la vindicte contre son cinéma naturaliste et exigeant, contre son impulsivité et sa maniaquerie. Tel un condensé (un rabâchage ?) de son œuvre dont on retrouve la plupart des thèmes et le style très précis (acteurs débutants et confirmés, caméra à l’arrachée, sexe décomplexé, gros blocs séquentiels tenus dans la durée et jusqu’à saturation), Mektoub my love devrait logiquement continuer à diviser autour du cas Kechiche tant il cristallise à un point tout ce que l’on peut éventuellement lui reprocher.
Librement inspiré du livre La blessure, la vraie de François Bégaudeau, Kechiche n’en a gardé que l’ossature principale (une bande de jeunes en vacances en été, la mer et les bars, les boîtes et les émois amoureux) en y insufflant sa propre matière romanesque (et une part sans doute autobiographique dans le personnage d’Amin). Si Amin est, d’emblée, perçu comme le héros de Mektoub my love, figure douce et timide qui paraît ne pas être à sa place parmi ce ballet incessant de corps, de tchatche et de lumière, c’est surtout autour d’Ophélie, la jolie bergère callipyge, libre et solaire, que le film se concentre, que tournent les garçons (Tony l’amant officiel, Clément le copain avec qui elle doit se marier, Amin le prétendant secret…) et que le véritable enjeu du scénario (un amour impossible à dire) va soudain s’imposer.
La remarquable direction d’acteurs, qui toujours est la sève, fait la force vive du cinéma de Kechiche, reste malheureusement l’unique atout du film. Shaïn Boumedine, Ophélie Bau et Lou Luttiau resplendissent de beauté et de spontanéité, et pas seulement parce que Kechiche, concernant ces deux demoiselles, les filme sous toutes les coutures avec une avidité un rien complaisante (la scène en discothèque par exemple, qui finit par devenir gênante) censée retranscrire le regard et le désir d’Amin. Ce désir qui irrigue le film et presque toutes ses scènes, mais vidé de sa substance en à peine une demi-heure tant les intrigues annexes ne volent pas plus haut qu’une sitcom ringarde ou qu’une vulgaire téléréalité assoiffée de croupes féminines.
Sauf qu’on est chez Kechiche, donc tout ça va durer trois heures. Donc tout ça fait auteur (citations en ouverture de la Bible et du Coran sur fond de musique classique, histoire d’épater direct la galerie), donc tout ça est pris au sérieux, analysé et décortiqué comme un grand film redéfinissant la parole, les sentiments, la jeunesse et la vie à pleines dents, donc on évoquera Rohmer, Renoir ou Pialat, donc on parlera de "filmer la vie, étreindre le naturel" (Les Inrocks), de "machine à produire de l’insu, à retrouver du secret là où il est partout étalé, visible" (Libé, par pitié, arrêtez la drogue) et, le plus zélé (ou ridicule, on ne sait plus), d’un "appel d’air si intense qu’on parvient à peine à reprendre son souffle" (Le Monde qui, accessoirement, devrait appeler le 112).
Alors que bon, de façon purement objective, il ne s’agit ni plus ni moins de machine en bikini qui aime l’autre pékin alors que trucmuche en mini short est jalouse et que machin il aime chose en robe ras-la-moule et qui kiffe bidule, etc., etc. C’est du Max Pécas pour intellos et critiques pointilleux (avec quelques scènes "sérieuses" pour tromper l’ennemi et lui donner de quoi disserter, genre brebis mettant bas sur du Mozart, Amin qui fait de la photo, travail à la ferme…). C’est du marivaudage limite abêtissant, sans tension ni piquant ni grâce, ramené à des maillots de bains H&M, de la drague lourde, des paires de fesses et des plâtrées de pâtes bouffées sur la plage.
Le 22 mars 2018
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