Et si je me rinçais l'œil au lieu de travailler sur mon scénario?

Alors que nous avons encore tous en tête La Vie d’Adèle, Abdellatif Kechiche revient le temps d'une histoire sur la jeunesse de 1994 en suivant le personnage d'Amin de retour auprès des siens le temps de faire la fête durant l'été.

Qu'on se le dise, là où certains ne verront que de simples plans à tendances sensuelles durant ces séquences où la camera reste scotchée aux atouts physiques de nos personnages féminins, il n'en reste pas moins la preuve d'une grande maîtrise grâce à une photographie cohérente. Très naturaliste, les plans sont une manière de conserver une proximité entre la caméra et les corps afin de servir les intentions du film tout en permettant de faire fleurir une émotion chez le spectateur. Concrètement, la mise en scène permet de faire monter d'un cran ces jeux de regards et de séductions, les discussions qui semblent anodines, peut-être même une certaine décadence, et surtout sublimer la liberté.

Seulement voilà, Mektoub My Love donne l'impression que les thématiques et le visuel suffisent amplement comme si la maîtrise du réalisateur pouvait le dispenser d'apporter une narration digne de ce nom. Le narratif se mêle aux mêmes sujets de conversation comme on pourrait en entendre dans la vie réelle et en être tout autant saoulé. Qui couche avec un qui, qui trompe qui, qui est beau. Ces séquences s’étalent en longueur et ne vont jamais en profondeur, tandis que les personnages semblent comme piégés dans leur stéréotype sans pouvoir s'en libérer.

En somme, au bout de trois heures difficile de ne pas être partagé entre émerveillement et épuisement. Le film tente de maintenir ses intentions avec de la drague et des dialogues banals en discréditant par lui-même toute son ambition. Une chose est sûre, Abdellatif Kechiche se sera fait plaisir.