Intéressant. Mais pas assez poussé.


Il est rare que j'apprécie un film qui traite du deuil ; souvent, quand ça me plaît, c'est que le deuil n'est pas forcément ce sur quoi on met le plus l'accent. Parfois si, mais alors il faut que le scénario soit sacrément bon.


Ici, c'est mis en avant, mais c'est le point de vue qui fait que ça marche. Monsieur Lazhar est nouveau, il découvre le monde de l'enseignement, fait des bourdes, apprend de ses erreurs. Son parcours amène de la luminosité à la gravité du thème. Le ton empêche de sombrer dans le misérabilisme, même si certaines scènes sont un peu trop contaminées par le pathos. Peut-être y-a-t-il trop d'idées dans le film ; l'aspect politique au travers du pourquoi de l'exil est un peu lourd et n'apporte pas grand chose. Ce personnage, je l'aurais davantage aimé en ne sachant pas autant de choses sur lui, j'aurais préféré pouvoir m'inventer sa vie. Il y a certaines relations entre les personnages qui ne sont pas utiles, comme par exemple l'amourette. D'ailleurs, il y a une scène de trop, la dernière, à ce sujet : jusque là c'était pas très subtil, mais ça passait ; arrivé à la dernière scène, l'auteur appuie beaucoup trop sur ce que l'on a déjà compris. C'est dommage d'avoir fourré ces deux sous-intrigues parce que ça empêche de creuser les autres personnages et surtout les liens entre tous. Notamment les deux élèves principaux, qui se réconcilient un peu trop facilement à la fin. D'ailleurs toute la fin est un peu facile, donne l'impression que les scénaristes ne savaient pas trop comment terminer l'histoire, alors paf, hop emballé c'est pesé. Je pense aussi que l'intrigue aurait dû se tenir sur moins de temps ; on a du mal à croire que la situation pèse autant sur les gosses si longtemps après alors que les adultes sont passés à autre chose. Je ne dis pas que ça ne peut pas être vrai dans la réalité, mais puisqu'il s'agit d'une histoire racontée, les sentiments auraient gardé de leur force si tout cela s'était déroulé sur seulement deux ou trois mois (je ne sais pas trop sur combien de mois ça s'étale, mais au vu du changement de temps je dirais entre 6 et 8 mois). Le choc des cultures est également intéressant, mais une fois de plus j'ai trouvé que ça n'était pas assez exploité (d'ailleurs il n'y a pas tant de scènes que cela où le professeur crée un lien avec les élèves, l'évolution de leur alchimie n'est que trop superficiellement abordée).


Le corps professoral est un peu trop idéalisé aussi. Les personnages ont leur part d'ombre, de défauts (la psy qui lance des piques dès qu'elle se sent en danger, Lazhar qui commet des erreurs, la dirlo qui refuse qu'on parle de la mort), mais le corps professoral reste indemne (ils sont tous de bons profs, même Lazhar qui pourtant n'y connaissait rien à la base, apprend si vite de ses erreurs qu'il devient très tôt dans le film le professeur chéri par ses élèves) ; c'est dommage parce que l'intrigue aurait pu permettre de mettre en avant certaines dérives de ce corps de métier (au travers des anciens mais aussi au travers du héros dont les choix n'ont finalement que peu d'impact au-delà de ce qui est montré sur le moment, comme par exemple la reconfiguration de la classe).


La mise en scène fonctionne assez bien. C'est filmé simplement. La musique est peut-être parfois un peu de trop là où on aurait apprécié davantage de sobriété, mais dans l'ensemble, ça fonctionne bien. Il faut dire que les acteurs sont tous très bons : les gosses n'agacent jamais, le réalisateur parvient à en tirer une certaine spontanéité. Et puis il y a ce Lazhar, impeccable, touchant, portant le film sur ses épaules à plusieurs reprises (quand ce ne sont pas les gosses) ; les acteurs adultes secondaires se débrouillent également bien, le jeu est naturel, réaliste.


Bref, sympathique le film même si la fin est facile, les relation entre les personnages trop peu creusées et certaines intrigues encombrantes.

Fatpooper
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le 23 oct. 2016

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