Moulin Rouge ! écœure et bouleverse d’un même mouvement. Dans ce monument de pacotille tragicomique évoluent des acteurs et leurs rêves, s’évaporent peu à peu les illusions au rythme frénétique des cancans qui, océan de couleurs et de matières, engloutissent tout. Baz Luhrmann réalise une vaste faille cinématographique qui met en faillite un système hollywoodien à bout de souffle vital, déshumanisé lui qui s’efforce pourtant de rassembler des femmes par milliers, des talents à épuiser. Abîme artistique. Derrière les paillettes c’est la mort qu’on entrevoit, omniprésente dans la bouche de celle qui courtise, de celui qui consacre la vie et l’amour. On chante dans les mots d’un autre nos maux laqués, peinturlurés, maquillés comme seul moyen de toucher le rêve, de s’y accrocher un temps. Moulin Rouge ! dynamite la comédie musicale en la salissant frontalement de toutes ses vulgarités intérieures, épouse la folie-cabaretière sans jamais l’enjoliver et en fait le cadre d’une terrible histoire d’amour, relecture contemporaine de Roméo et Juliette. C’est excellent.