Deuxième long-métrage du réalisateur et acteur norvégien Ole Giæver, Natür Therapy (Out of Nature) nous embarque dans une randonnée spirituelle durant laquelle Martin (interprété par Ole Giæver lui-même) va enchaîner prises de conscience et réflexions sur lui-même.


Durant 80 minutes, Martin est le personnage unique, même si sa famille ainsi que ses amis sont présentés. Et s’il est amené à faire des rencontres, jusqu’à assouvir des fantasmes tordus – bien qu’inaboutis – avec des inconnues, il est le pivot de ce long métrage qui le cloisonne dans une remise en question sans réel fond, ne relevant que d’un simple psychotique, d’une simple envie de tout envoyer balader. Cette randonnée, Martin la transforme en thérapie, là où le côtoiement de la nature serait davantage l’occasion d’imaginer des fantasmes morbides, obscènes ou toutes sortes de pulsions qu’il ne peut satisfaire dans la vie. Tout cela sans que personne ne puisse le voir, ni l’entendre.


En réalisant Natür Therapy (Out of Nature), Ole Giæver n’a pas fait les choses à moitié, se retrouvant devant et derrière la caméra. Défi risqué et à moitié réussi. Malgré un jeu nuancé offrant une palette variée d’émotions, avec une voix off tantôt chevrotante, tantôt confiante, Martin apparait comme un personnage ingrat, désagréable et macho, aux tendances exhibitionnistes (nous sommes amenés à zieuter à plusieurs reprises son sexe). Impossible d’éprouver une quelconque empathie pour lui. Mais ne serait-ce pas ce qu’il est vraiment ? Son mépris assumé dans ses réflexions ne ferait-il pas de lui un salopard ? Ne se dévoilerait-il pas sous sa vraie personnalité lorsque personne ne le regarde ? Ainsi, Natür Therapy (Out of Nature) est également un film sur la reconstruction d’un homme, sur la quête de soi.


L’image bleutée, plutôt pâlotte, ne déroge pas à l’image que l’on se fait du cinéma nordique où un certain esthétisme est de mise, doublé d’une propension à la contemplation. Entre deux prises de conscience, viennent s’immiscer divers plans de la nature, à la manière d’un documentaire sur les grandes prairies qui couvrent les pays scandinaves. On peut ainsi se demander si 80 minutes, ce n’est pas trop long et si le film n’aurait pas été plus intense réduit à un moyen métrage d’une cinquantaine de minutes. Natür Therapy (Out of Nature) est en effet très lent, il multiplie les plans-séquences en une continuité temporelle suivant en temps réel cette randonnée. Les nombreux gros plans qui le jalonnent enferment Martin dans sa quête de soi et dans sa constante interrogation sur lui-même. Les plans plus larges, quant à eux, l’isolent au sein d’un monde vide, aussi bien d’humains que de sens. Mais cette randonnée a-t-elle réellement un sens ? N’est-elle pas que le déni d’une vie dans laquelle son héros ne se retrouve pas ? La randonnée est une boucle, un cercle vicieux, autant pour Martin que pour les spectateurs. Le jeune marcheur se remet sans cesse en question et ne cesse de s’interroger sur sa sexualité et sur une vie passive dans laquelle il ne semble pas se retrouver. Martin est un personnage moribond, lassé, qui se voit voué à l’échec, à la recherche d’une échappatoire qui le ferait quitter une routine qu’il considère nauséeuse mais qu’il affectionne pourtant. Natür Therapy (Out of Nature) nous livre ainsi les ressentis de son personnage, principalement sexuels, simultanément à de nombreuses mises à nu physiques de celui-ci.


Ce deuxième film de Ole Giæver ne peut que rappeler Near Death Experience, film français réalisé en 2014 par le duo fantasque Gustave Kervern/Benoit Delépine dans lequel Paul, interprété par Michel Houellebecq, fait également le choix de quitter son logis. S’en suivent des réflexions et interrogations personnelles plus abouties et convaincantes.


Critique à retrouver sur Cineseries-mag : http://www.cineseries-mag.fr/natur-therapy-out-of-nature-un-film-de-ole-giaever-critique/

Créée

le 7 sept. 2015

Critique lue 1.1K fois

10 j'aime

zoooran

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

10

D'autres avis sur Natür Therapy

Natür Therapy
Clode
6

Penser ses plaies

Quel âge peu bien avoir ce vieil homme rondouillet et grisonnant, 66 ans? Il doit être père d'enfants devenu grand, qu'il aurait eu avant la trentaine, peut-être même au début de la vingtaine, et...

le 12 sept. 2015

6 j'aime

Natür Therapy
Zoom
1

Naturellement

Besoin de se resourcer ? Solution idéale, faire un tour en pleine nature. L'affiche de ce film annonce le programme, sans ambiguité. Sauf que, désolé pour les amateurs de films originaux, ce film est...

Par

le 18 sept. 2015

4 j'aime

2

Natür Therapy
PatrickBraganti
7

Voyage intérieur

Quand on voit Martin, son mal de vivre et ses interrogations existentielles, ses dérives qui tiennent autant du rêve que du cauchemar où il imagine en quelques instants d’autres vies, on ne peut...

le 11 sept. 2015

3 j'aime

Du même critique

Mommy
zoooran
10

Drogue douce.

"Tom à la ferme" fut mon premier Xavier Dolan, une sorte de dépucelage maladroit, ce film ne m'ayant pas convaincu. Mais je me suis toujours dit qu'il faut aller plus loin, pousser la découverte,...

le 7 oct. 2014

47 j'aime

1

Astérix & Obélix - Mission Cléopâtre
zoooran
10

"Cours Asterixsme ! Couuurs !"

"Il est où le magneau ? Ils ont mangé le magneau ?" "Nul ne peut bafouer l'Empire romain. Quand on l'attaque, l'Empire contre-attaque..." "Attention, c'est très très tiède..." "Ça va, ça va,...

le 21 janv. 2015

42 j'aime

10

Jusqu'au bout du rêve
zoooran
3

"Allô Maman Bobooooo..."

« Jusqu'au bout du rêve » est comme le verre de trop durant une soirée. Tu le prends, mais tu sais que ça va te faire mal, que ça va te provoquer des remontées. Certes, ici, ce n'est pas un verre,...

le 27 mars 2014

33 j'aime

20