A l'heure où quelques pingouins mondains se tapent sur les cuisses devant un zombie movie amorphe qui radote, histoire de dire qu'eux aussi, ils aiment (hypocritement) le film de genre, il y a de quoi hurler face à un sélectionneur de festival borgne.


Mais il y a de quoi, aussi, croire à nouveau en l'humanité quand on pense que quelques autres aiment encore le cinéma et se sortent les doigts d'où je pense pour lui rendre hommage tout en faisant sortir de sa tombe une des plus célèbres (et recyclées) figures de l'épouvante et de la putréfaction.


Car Ne Coupez Pas ! réussit l'exploit de se transformer en un film multiple traversé d'un vent de fraîcheur bienvenu et animé d'un grain de folie que l'on ne peut accueillir qu'avec un grand sourire aux lèvres.


Le début de l'oeuvre mêle ainsi série B, ridicule parfois abyssal au doux parfum de nanar attachant et performance technique mégalo, hantée par un réalisateur aux allures de tyran et de diable sortant constamment sa boîte, tandis que de vrais zombies prennent d'assaut le plateau. Un plan séquence qui prend peu à peu l'eau, tant ceux qui traversent l'image peuvent paraître comme à côté de la plaque, outranciers ou encore peu à la hauteur des monstres qu'ils sont sensés incarner. Ces trente premières minutes mutent, s'arrêtent, vivent mollement, provoquent le rire à leur corps défendant. Au point que le spectateur se demande parfois où il a mis les pieds, tant le film d'horreur qui lui avait été promis, dans son faible esprit du moins et dans un synopsis de deux lignes, apparaît lointain.


Et quand le générique de "l'oeuvre" intervient après quarante minutes, on se demande ce que Ne Coupez Pas ! peut encore avoir à dire.


Sauf qu'il prend par surprise et nous retourne comme une crêpe, ce coquin. En effet, après sa mise en abyme initiale, le réalisateur, Shinichiro Ueda, pousse finalement un grand cri... D'amour.


Un grand cri d'amour aux allures


de making of méta.


Un grand cri d'amour à la débrouille, aux bouts de ficelles, aux scénarios (pas trop) bien huilés qui exécutent des embardées non maîtrisées, enrayés d'incidents plus ou moins fâcheux, d'accidents bien débiles et des débordements en tous genre.


Ne Coupez Pas ! est un grand cri d'amour aux univers brinquebalants de Gondry asiatiques en version small teuf, à l'urgence et à la passion déployée envers et contre tout, comme celle de ce réalisateur peu à peu noyé, un brin kamikaze, qui ne maîtrise finalement rien. Mais qui continue malgré tout à filmer, en actionnant parfois les plus vieux trucs du monde ou en faisant preuve d'une inventivité débordante.


Dans Ne Coupez Pas ! résident finalement tout l'art, le rire, le burlesque et l'énergie du hors champ, dans un procédé équivalent à celui de Mademoiselle, et mis en avant par ce plan séquence trompeur sur la réalité des choses que l'on met sous les yeux du public.


Tandis que la satire du milieu mordante et que les caricatures les plus drolatiques abondent, sans être pesantes, la réflexion concernant un genre standardisé, recyclé, vidé de son sens premier apporte une énergie nouvelle. Ne Coupez Pas ! est un film aux allures de célébration de l'anodin et de l'à peu près, du bricolage et de l'amateurisme débordant d'une passion communicative et d'une sincérité attachante, attendrissante et bienveillante.


Ne Coupez Pas ! C'est simplement la célébration de toute la magie et de l'amour du cinéma.


Et ça, bon Dieu, qu'est ce que c'est bon !


Behind_Ne Touchez pas à la Hache_the_Mask.

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le 18 juil. 2019

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