Débarqué plutôt tardivement dans nos contrées, Ne coupez pas ! (Kamera o tomeru na!) doit sa sortie par-delà les frontières japonaises à son irrépressible succès en ses terres : réalisé par des étudiants pour un budget dérisoire, la magie du bouche-à-oreille propulsa le film jusque dans les salles nippones, lui permettant de multiplier par mille sa mise initiale.


Sans aller jusqu’à s’appesantir sur de tels chiffres, qui en disent tout de même long sur le tour de force opéré, il convient donc de reconnaître que Ne coupez pas ! est une formidable proposition de cinéma : fauchée dans tous les sens du terme, elle dépeint avec une malice rare et un savoir-faire remarquable de l’art du moindre moyen, se payant pour cela le luxe d’offrir non pas un, ni deux, ni trois… mais bien quatre niveaux de lecture s’imbriquant. Rien de moins !


Le concept du film dans le film dans le film avec, cerise sur le gâteau, le parfait prolongement que sont la genèse et les caractéristiques de Ne coupez pas ! lorgne du côté du génie : un état de fait conforté par l’irrépressible montée en puissance du tout, à mesure que le récit ne nous dévoile les dessous de la mascarade. De fait, ses premiers pas tendent à nous laisser cois, à raison de plus que la résolution en une petite demi-heure surprend : le leurre a rempli son office.


À la circonspection initiale succède, ainsi, un visionnage riche de sens et d’humour, Ne coupez pas ! nous coupant le sifflet en nous renvoyant à l’un des fondamentaux du Cinéma : l’art de l’illusion. Ses prétentions et son envergure moindres tiennent alors tant du justificatif, du sujet que du tour de force, la débrouillardise incroyable de Higurashi se voulant aussi impressionnante qu’amusante : c’en est jubilatoire. Et il serait d'ailleurs malvenu de lui refuser tout crédit « technique », son plan-séquence maladroit méritant d’être perçu à sa juste valeur.


Renversant à sa manière, Ne coupez pas ! parvient ainsi à prendre à contre-pied le spectateur, sa simplicité supposée tenant de l’artifice au même titre que ses atours médiocres, véritables moyens au service d’un propos communicatif : contre toute attente, le film de Shin’ichirô Ueda nous aura tout bonnement gagné à sa cause. Reste que nous pourrions toutefois regretter que ses airs déjantés déteignent sur toutes les strates du récit, le cas de la petite famille étant à titre d’exemple particulièrement lunaire comme peu fouillé.


Malgré cela, difficile de bouder notre plaisir tant Ne coupez pas ! sera parvenu à sublimer l’échec, terreau tout désigné d’un succès en grande pompe.

NiERONiMO
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le 30 juil. 2021

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