Peut-être qu'on est allés un peu trop loin, non ?

Lire en musique, All in a JaysWork- City of Angels


Plan large, la ville de Los Angeles brille de mille feux dans la nuit sèche. Lou Bloom, visage émacié, s'acharne à la cisaille sur une barrière métallique, Voleur à la petite semaine, survivant en revendant tout ce qu'il pille, il surprend au détour d'une virée nocturne des charognards, caméras au poing, qui se repaissent du spectacle d'un accident de la route.
Révélation pour cet étranger au genre humain, cet homme qui observe le monde sans y prendre part, qui manipule ses contemporains sans empathie.



What if my problem wasn't that I don't understand people but that I don't like them?



Et pour Lou, dévoré par l'ambition et fasciné par le monde du petit écran, l'occasion est toute trouvée. Il sera un Nightcrawler, un de ces rôdeurs qui chasse l'image de la misère humaine pour la brader aux J.T qui font leur audience sur les meurtres sanglants, ces vendeurs d'insécurité qui carburent aux chiffres d'audience.


Fascinant, Night Call – à ce sujet, je préfère le titre original  Nightcrawler qui insiste sur cet aspect rampant, le côté cafard – aborde avec une grande intelligence le malaise de cette société de l'information à outrance, qui pour mieux faire du chiffre fabrique de la peur et de l'insécurité au détriment de l'information.


Dan Gilroy transmet sa vision, acerbe, désabusée, de ce monde. Celle qui produit des individus comme Lou, Lou et sa vision déformée, Lou et son ambition démesurée, Lou qui veut sa part du rêve américain, Lou qui répète inlassablement son credo



You have to make the money to buy a ticket.



Interprété par un Jake Gyllenhaal magistral, Lou est la personnification parfaite de la caméra qui s'impose comme une extension naturelle de son corps, de son être. Lui qui n'aime pas son prochain, qui ne vit que pour atteindre ses buts, s'accomplit dans cet acte de voyeurisme abject qui répond à sa personnalité étrangère à tout remord.


A coups de métaphores bien senties, parfois trop appuyées -je pense à l'hymne américain distordu au générique final- le réalisateur nous fait ressentir toute l'ambiguïté dérangeante de cette société où l'on nous ballade à grands renforts d'insécurité outrancière, de surmédiatisation de faits divers pour faire le bonheur de quelques vendeurs de peur et d'images. Un habile pamphlet dirigé contre les médias relevé d'un aspect thriller oppressant, sans nul doute plus efficace dans sa dénonciation que bon nombre de reportages destinés à des personnes déjà convaincue du caractère superfétatoire de la télévision.


Heureusement que ça se passe en Amérique, pas en France, hein ?

Créée

le 21 mai 2015

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Petitbarbu

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